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Les enfants du paradis

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Russie : neuf "outils" pour rattraper l'Ouest
10-05-2008

 Vladimir Poutine et son successeur Dmitri Medvedev voient grand pour la Russie. En 2020, assurent-ils, la Fédération russe figurera parmi les cinq économies les plus développées au monde. Cette ambition est légitime. Dix ans après avoir touché le fond au moment de la crise financière de 1998, le pays veut asseoir sa prospérité. Il en a les moyens. Dotée de la troisième réserve or et devises de la planète, la Russie encaisse aujourd'hui 1 milliard de dollars (près de 650 millions d'euros) par jour de l'exportation de ses hydrocarbures. Cette pluie de pétrodollars - 150 milliards de dollars engrangés sur le fonds de stabilisation - ne fait pas pour autant de la Russie un pays moderne.

 MANQUE D'ÉLECTRICITÉ

Etalé sur onze fuseaux horaires, son immense territoire est dépourvu d'autoroutes, et les grands axes n'ont bien souvent que deux voies. Le réseau ferroviaire est insuffisant. Sur les lignes intérieures, les avions sont d'un âge avancé. L'équipement industriel est obsolète. Le réseau électrique est vétuste. En 2005, une panne avait paralysé Moscou, laissant des millions de personnes bloquées dans le métro et les ascenseurs. Ces jours-ci, les gestionnaires des méga-centres commerciaux qui ont fleuri aux abords des grandes villes sont en butte à un casse-tête permanent : comment s'assurer une alimentation suffisante en électricité ?

Conscient du problème, le gouvernement envisage d'investir 480 milliards de dollars dans ce seul secteur d'ici à 2020. Il prévoit aussi de construire 4 000 kilomètres de nouvelles routes, d'étendre le réseau ferroviaire. A elle seule, la rénovation des aéroports demandera 21 milliards d'euros.

RÉUSSIR À DIVERSIFIER

Si elle veut peser dans l'économie globale, la Russie va devoir faire autre chose qu'extraire du gaz et du pétrole. Elle va devoir produire. A l'heure actuelle, tout ou presque est importé, du savon aux pommes de terre en passant par les automobiles et l'électroménager. En 2007, les exportations ont crû de 20 %, les importations de 50 %. Il devient donc urgent de diversifier. Comment ?

"En Russie, les investisseurs privés ne sont pas prêts à mettre de l'argent dans des projets qui rapporteront dans dix ans. Ces projets comportent un niveau de risque élevé et des procédures bureaucratiques lourdes. Tous veulent un profit à court terme. Seul l'Etat peut se permettre de miser sur des projets à long terme", explique Alexeï Savatiouguine, du ministère des finances.

L'année 2007 aura été celle du lancement des grands chantiers. Pour favoriser le développement de secteurs économiques particuliers (aéronautique, nucléaire, armement, construction navale) ou résoudre des tâches ponctuelles (Jeux olympiques de Sochi, rénovation de l'habitat vétuste), sept corporations d'Etat ont été créées. Publiques à 100 %, elles ont un statut à part puisqu'elles peuvent mener des projets avec des investisseurs privés, décider de leur introduction en Bourse, acheter ou revendre des actifs. A terme, ces corporations recevront de l'Etat de nombreux actifs et 33 milliards de dollars. Un tiers de l'argent a déjà été versé.

Ce statut particulier, associé à une certaine opacité - elles ne sont pas soumises aux audits de la Cour des comptes -, fait jaser. "Les corporations d'Etat sont une trouvaille idéale. Les actifs transmis par l'Etat deviennent la propriété de la corporation. Il s'agit en somme d'une privatisation gratuite de la propriété et des fonds publics", estime l'économiste Mikhaïl Deliaguine.

DES PROCHES DE M. POUTINE COOPTÉS

Le président russe ne l'a pas caché : dans un futur proche, ces holdings sont appelées à être "totalement privatisées". Les proches de Vladimir Poutine sont sur les rangs. Au Kremlin, les groupes de pression qui ont poussé à la création des corporations figurent en bonne place.

Ainsi, Mikhaïl Kovaltchouk, un académicien, ami de M. Poutine et d'Andreï Foursenko, le ministre de l'éducation, un ancien voisin de datcha (maison de campagne) du chef de l'Etat, ont été à l'origine de la création de Rosnanotekh. Tous deux sont aujourd'hui membres du comité directeur de cette corporation. Un autre proche de M. Poutine, Sergueï Tchemezov, a été nommé à la tête de Rostekhnologuii.

La plupart des corporations d'Etat (sept sur neuf) ont été créées en 2007, alors que Vladimir Poutine se préparait à quitter la fonction présidentielle pour celle de premier ministre. En forgeant ces monstres étatiques, dirigés par des proches et alimentés par le budget, le futur chef du gouvernement s'est constitué une sorte de cabinet des ministres parallèle. La création de ces "super-ministères" au fonctionnement opaque et largement dotés ne fait que renforcer un peu plus encore le pouvoir du premier ministre, laissant le nouveau président, Dmitri Medvedev, dans un rôle purement décoratif.

Marie Jégo
 

De janvier 2004 à décembre 2007, neuf corporations d'Etat ont été créées en Russie. Le président Vladimir Poutine et son successeur Dmitri Medvedev misent sur elles pour contribuer à la modernisation et à la diversification de l'économie russe, trop dépendante de l'exportation des hydrocarbures.

Les corporations d'Etat, qui échapperont aux audits de la Cour des comptes, ont un statut particulier.

Dotées d'une grande liberté d'action et de larges compétences, elles relèvent de l'autorité du président de la Fédération de Russie, qui nomme leurs directeurs généraux.

Une fois créées, les corporations prennent possession des propriétés d'Etat dans le secteur qui les concerne. Elles sont autorisées à effectuer n'importe quelle transaction autour de ces propriétés et à créer des filiales par actions susceptibles d'être introduites en Bourse.

Leur autonomie en matière financière est totale. Non transférés au budget de l'Etat, leurs profits sont censés être réinvestis.

Ces mastodontes seront amenés à brasser des sommes énormes, puisque l'Etat prévoit de leur accorder 33 milliards de dollars (21 milliards d'euros), prélevés sur le budget.

http://www.lemonde.fr/archives/article/2008/05/07/russie-neuf-outils-pour-rattraper-l-ouest_1042045_0.html
 
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