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Les enfants du paradis

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Medvedev essaie de ressembler à Poutine
29-02-2008

Les Russes sont invités dimanche 2 mars à avaliser l'élection de Dmitri Medvedev, le successeur au Kremlin que s'est choisi Vladimir Poutine.


Il n’est pas en campagne électorale. Mais, tel un président en apprentissage, il travaille déjà. Dmitri Medvedev, actuel premier vice-premier ministre russe et dauphin adoubé par Vladimir Poutine pour l’élection présidentielle de dimanche, sillonne le pays. Il ne participe pas aux débats électoraux. Il ne fait pas de propositions, ne défend pas de programme. Il ne lance pas d’appel à voter pour lui. Et il ne répond guère aux questions.

« Monsieur Medvedev, on peut vous poser une question ? », essaie-t-on néanmoins, criant en direction de la foule de gardes du corps. C’était jeudi dernier à Kazan, grande ville sur la Volga. Le candidat file sans répondre mais, choquée, l’une de ses jeunes attachées de presse intervient immédiatement. « Cela ne se fait pas ! Question de courtoisie. Nous sommes ravis de répondre à toutes vos demandes faites à l’avance. Mais ce n’est pas possible dans le cadre de la visite d’aujourd’hui : le premier vice-premier ministre n’est pas en campagne, il est ici en déplacement de travail. »

Ainsi se déroule la vraie-fausse campagne électorale de Dmitri Medvedev. « Il vient nous montrer qu’il travaille. Et nous sommes là pour le montrer au public », ajoute avec cynisme l’un des journalistes de télévision venus de Moscou. « Ce n’est pas un problème d’éthique car, comme les téléspectateurs, nous sommes habitués à ce spectacle ! », ironise sa collègue d’une chaîne locale qui, pareillement contrôlée par les autorités, montre soir après soir les « déplacements de travail » de Medvedev-le-ministre.

« Nous ne sommes pas dupes… mais n’avons pas le choix. Le pire, c’est que le Kremlin est populaire et n’a pas besoin de cette manipulation pour l’emporter », regrette un cameraman, entre fatalisme et indifférence face à « cette mise en scène ».

Tout « déplacement de travail » a un thème

Car, suivie par une centaine de journalistes, la visite à Kazan mobilise de grands moyens. Des milliers d’adolescents ont été conviés pour un concert. Avec, entre les groupes de pop, une star, « le premier vice-premier ministre », acclamé par la foule surchauffée par ce show aux allures de meeting.

En jeans et veste rapiécée aux coudes, Dmitri Medvedev est d’humeur joviale. Sur la poitrine, il arbore un pin’s clignotant. Son discours improvisé micro en main est tout aussi brillant d’efficacité. Son message : de tels concerts n’auraient pas été possibles sans le développement économique de ces dernières années ; ensemble, poursuivons le chemin… « Russie en avant ! », conclut-il avec des accents patriotiques.

Plus tôt, le candidat est déjà apparu décontracté dans son anorak pour dialoguer par – 15° avec des enfants en pleine partie de hockey sur glace. Puis, sérieux dans un costume sombre, il a présidé une table ronde sur l’avenir de l’éducation physique. Car tout « déplacement de travail » a un thème : l’histoire à l’ex-Stalingrad, la santé dans l’Oural, l’agriculture dans l’Altaï, la démographie et l’économie en Sibérie. Avec, à chaque fois, des déclarations largement reprises dans les journaux télévisés, hors décompte des temps de parole entre candidats puisque, officiellement, il ne s’agit ni de propositions, ni de visites électorales.

À Kazan, concentré sur son labeur, Dmitri Medvedev a pareillement axé ses propos sur un thème : le sport. « Seulement 20 % des jeunes pratiquent régulièrement un sport. Que font les autres ? », s’inquiète-t-il lors de la table ronde. Son projet : ne pas retourner au modèle soviétique mais s’en inspirer pour relancer un système fort d’éducation physique.

Medvedev tend à ressembler de plus en plus à Poutine

« Il fera un très bon président. Intelligent, instruit, concret, patient, attentif, efficace », se félicite après la réunion Chamil Tarpichev, le gourou de la fédération russe de tennis, ex-entraîneur personnel de Boris Eltsine, parfaitement adapté au système poutinien. « Le style de Medvedev ressemble à celui de Poutine. Ils dirigent les réunions de la même manière : discipline et rapidité, dialogue clair et concret ! »

Initialement réputé pour son allure plutôt gauche, son faible charisme, son caractère mou et sa voix douce, Dmitri Medvedev, 42 ans, tend à ressembler de plus en plus à Vladimir Poutine, 55 ans. Même impressionnante maîtrise des dossiers, même visage sérieux et regard concentré, même agacement aux lèvres, même ton parfois cassant.

Une mue sans doute difficile pour un homme encore mal à l’aise en public, mais profitant désormais de sa non-campagne pour s’entraîner à l’exercice des foules. Sous le regard de Poutine, modèle et supérieur hiérarchique, auquel il est lié par dix-sept ans d’amitié et de collaboration.

Habitué à ce rapport élève-professeur rassurant pour un électorat désireux de transition bien gérée, Dmitri Medvedev paraît aujourd’hui forcer sa nature pour se forger une nouvelle personnalité. À Kazan, le pas alerte mais mécanique, il a affiché sérénité et décontraction. Ses mouvements, rigides et saccadés, manquaient cependant d’aisance. Comme si une vague inquiétude demeurait tapie derrière sa désinvolture affichée. Mais, bien sûr, le journal télévisé du soir n’en a rien dit.

Benjamin Quesnelle

http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2330344&rubId=1094
 
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