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Les enfants du paradis

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« Nacha Russia », une série télé grinçante sur la Russie moderne
04-02-2008
« Nous vivons dans le pays le plus formidable au monde et les autres nous envient. » Dès le générique, Nacha Russia (Notre Russie), une série télévisée russe très populaire, donne le ton : de l’autodérision, mais sans velléité de critique du pouvoir.
«Nous avons été les premiers à aller dans l’espace... Nous avons inventé la bombe à hydrogène, la voiture Jigouli et beaucoup d’autres choses terrifiantes », poursuit la chanson du générique, moquant le discours officiel de grande puissance retrouvée sous Vladimir Poutine.
Mais l’émission, diffusée les soirs de week-end sur la chaîne « de divertissement » TNT, n’a pas de prétention satirique, dans un pays où toute irrévérence politique a été bannie des écrans depuis l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir en 2000. « TNT est une chaîne apolitique. Nous n’allons pas contre le pouvoir », explique Simon Slepakov, le principal scénariste de Nacha Russia, recevant dans ses bureaux du centre de Moscou. Et il ne prévoit pas de changer de principe à l’approche de la présidentielle du 2 mars.
Nacha Russia, inspirée de la série britannique Little Britain, se distingue cependant des émissions humoristiques russes, cantonnées aux histoires salaces et moqueries sur la vie des stars.
Car malgré un humour tournant parfois à la blague de potache, son portrait de la société russe sonne juste, avec ses SDF Sifon et Boroda vivant dans les poubelles de la banlieue chic de Moscou, la Roubliovka, où ils récupèrent caviar, écrans plats et vêtements de marque. Ou encore Snejanna Denissovna, institutrice à Voronej, croustillant personnage à grosses lunettes et forte poitrine, qui passe son temps à extorquer de l’argent à ses écoliers, en leur faisant par exemple subventionner sa maison de campagne, présentée comme « un grand abri pour les petits oiseaux ». Sont également évoquées les difficultés à être un ouvrier homosexuel dans la ville industrielle de Tcheliabinsk, dans l’Oural, ou un ouvrier du bâtiment tadjik en situation irrégulière.
Les députés Pronine et Mamonov, élus corrompus de la ville pétrolière de Nefteskvajensk, qui passent leur temps à « s’inquiéter du sort de la Russie » entre deux séjours au soleil de Miami, sont les plus proches de la satire politique. « Si vous regardez à la télévision les députés actuels, ce sont exactement les mêmes », s’amuse Valeri Malachonok, cadre dans une entreprise occidentale à Moscou et téléspectateur assidu de Nacha Russia avec son fils de 13 ans. « Mais nous ne pointons personne du doigt. Nefteskvajensk est une ville imaginaire », insiste quant à lui Simon Slepakov, 28 ans, mal à l’aise dès qu’on lui parle de politique. « Nous sommes partisans du pouvoir actuel. Poutine dit lui-même qu’il faut lutter contre la corruption », ajoute cet admirateur – francophone – de l’humour absurde des Robins des bois, sur la chaîne privée française Canal+.
Comme nombre de ses concitoyens, il a été un adepte des Koukli, les guignols russes, émission satirique phare de la chaîne privée NTV, symbole de la liberté de ton des années 1990 jusqu’à son verrouillage en 2001. « Les Koukli étaient une émission très politique. Aujourd’hui, il n’est plus de mise de rire de la politique », ajoute Simon Slepakov. Et surtout pas du chef de l’État. « Nous sommes très loin des Koukli », acquiesce aussi Valeri Malachonok, jugeant Nacha Russia « inoffensive » pour le pouvoir.
« Dans un État totalitaire comme l’est la Russie aujourd’hui, il n’y a pas de place pour la satire », explique à l’AFP Viktor Chenderovitch, l’ex-scénariste des Koukli, réfugié sur la radio Echo de Moscou, un des rares médias audiovisuels encore critiques du régime. « Les Koukli passaient à la télévision à une époque où il y avait encore des mécanismes démocratiques dans ce pays. Ils marchaient mal, certes, mais ils existaient », ajoute M. Chenderovitch, évoquant cette époque révolue où il faisait rire la Russie avec sa marionnette du « méchant petit nain Poutine ».

Delphine THOUVENOT (AFP)
http://www.lorientlejour.com/page.aspx?page=article&id=363800
 
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