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Les enfants du paradis

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Des racines et des ailes
01-10-2009
Article de Johanne Lemieux :

La démarche préadoption:
l'adoption comme valeur positive

Pour qu'un enfant vive totalement et s'épanouisse entièrement, tout doit être fait pour lui donner des racines et des ailes. Des racines pour qu'il sache qui il est, d'où il vient, quel est le sens de sa vie, quelles sont ses forces, à quel monde il appartient. Des ailes pour qu'il ait une bonne estime de lui-même, tous les outils pour aller au bout de son potentiel, au bout de son destin et pour avoir la force et le courage de vivre pleinement sa vie.

Ceci est vrai pour tous les enfants et pour tous les êtres humains. Avoir des racines et des ailes est un enjeu encore plus grand pour un enfant par adoption. Mais donner des racines et des ailes à un enfant adopté à l'étranger comporte des défis encore plus immenses pour ses parents adoptants ainsi que toute la communauté qui l'accueille.

Cela demande compassion et réalisme. Cela demande aussi une coordination et une voix au chapitre de toutes les instances responsables. Car une adoption est une «grossesse collective» qui a la particularité que l'enfant est déjà né et qu'il a déjà des besoins spéciaux.

Pour que l'adoption soit une valeur positive tout doit être fait pour répondre le mieux possible et le plus rapidement possible à ces besoins spéciaux. Alors la question que nous devons fréquemment nous poser est la suivante: comment une communauté peut s'organiser pour assurer à l'enfant la possibilité de se constituer des racines et des ailes ??

Lorsqu'on aborde un sujet comme l'adoption internationale avec des enjeux humains, émotifs, légaux, éthiques aussi complexes, il faut de façon incontournable se poser la question de nos croyances profondes et des valeurs sur lesquelles se baseront toutes les décisions à venir.

Si pour certains il n'y a aucun doute que l'adoption est une valeur positive au delà de tout, pour d'autres la question reste entière. Il est difficile de prendre des positions radicales sur l'adoption car nous nous confrontons à des conceptions personnelles et culturelles fort différentes.

Que l'on soit enfant, parents adoptants, parents de naissance, autorités des pays d'origine, oeuvre ou agence d'adoption, législateur, instances gouvernementales, psychologue, psychiatre, travailleur social ou tout autre intervenant intéressé par le sujet, nos croyances, nos responsabilité et nos préoccupations seront nécessairement différentes.

Il est normal et souhaitable dans un souci de complémentarité que les points de vue soient différents. Mais il faut que tous ces acteurs jouent leurs rôles en croyant profondément que dans certains cas il est dans l'intérêt supérieur de l'enfant d'être adopté. Les positions sur le sujet débordent souvent d'émotions et de philosophies parfois très opposées:

Ainsi est-il mieux pour un enfant de préserver son identité culturelle même au prix d'hypothéquer à tout jamais sa santé, son équilibre émotif et social et toute chance de devenir un être heureux ?

Au nom de la primauté traditionnelle de la filiation de sang jusqu'à quand doit-on donner la chance à des parents de naissance ou à un pays de trouver des moyens pour s'occuper adéquatement d'un enfant ?

À l'opposé avons-nous le droit, nous pays dit «riches», d'arracher un enfant à sa culture ou à son parent de naissance simplement pour des raisons économiques ?

Compte tenu de ces différentes façons de concevoir l'adoption, il peut donc être facile d'avoir des malentendus, d'où nécessité de réfléchir sur les valeurs. Pour que l'adoption soit une valeur positive, il faut:

avoir la conviction que la 1ière place d'un enfant est auprès de ses parents de naissance, mais qu'il faut élaborer un projet de vie le plus vite possible pour un enfant en situation d'abandon et, si c'est dans son intérêt, favoriser l'adoption.

Il faut aussi avoir la conviction qu'il est fondamentalement utile de donner à l'enfant la permission d'investir affectivement dans un milieu de vie autre que sa famille d'origine ou son pays de naissance et ce, dans le respect de ses origines. Il faut croire que l'adoption est une stratégie valable pour répondre aux besoins des enfants abandonnés ou en besoin de protection.

Il faut croire que l'adoption est aussi une stratégie valable pour fonder une famille et non plus seulement un «pis-aller» en cas d'infertilité. Il faut croire qu'il ne s'agit jamais d'une solution collective à la détresse des enfants mais que cela peut et doit être parfois une solution individuelle pour répondre aux besoins d'un enfant en particulier.

Il faut une législation nationale et internationale rigoureuse mais aussi respectueuse des us et coutumes des pays d'origines. Il faut dans la mesure des moyens possibles avoir des garanties de l'adoptabilité réelle des enfants. Il faut aussi des balises pour que le désir d'enfant ne devienne pas pour certains parents la quête insensée de l'enfant à tout prix, même celui d'arracher un enfant à son parent ou à son pays.

Il faut des intervenants qui évaluent mais aussi accompagnent et outillent les futurs parents pour qu'ils aient des attentes réalistes. Il faut faire en sorte que les parents adoptants soient des partenaires actifs, consultés et co-responsables dans le processus d'adoption. Il faut des acteurs qui se parlent et qui se respectent dans leurs différents points de vue pour que ces points de vue soient complémentaires et non conflictuels.

Il faut un regard collectif de compassion et de réalisme autant envers les enfants, que les parents adoptants, les parents de naissance et leur pays. Pour ce faire, tous les acteurs doivent s'entendre sur des valeurs communes tel que:

  • L'intérêt supérieur de l'enfant.
  • L'enfant a le droit d'avoir une famille et non l'inverse.
  • Croire au potentiel de chaque être humain.
  • Tous naissent égaux.
  • Les liens de sang ne créent pas une famille.
  • Toute personne a le droit de connaître et d'être fière de ses origines.
  • Pour aimer un enfant, il faut aussi aimer et connaître son pays et respecter sa culture.
  • Accepter que le risque fasse partie intégrante du cheminement de la vie.
  • L'ouverture et le respect des différences.
  • La culpabilité et l'impuissance paralysent, la responsabilité libère.

C'est en ayant des valeurs communes que chaque société ou pays peut créer ses propres procédures et façons de faire. C'est en ayant de valeurs communes qu'il est possible de trouver:

Comment faire en sorte que l'enfant soit accueilli dans une famille et une société qui lui donnera des racines et des ailes.

Comment le faire de façon humaine et éthique.

Comment garantir à l'enfant un projet de vie dans son intérêt.

Comment développer une concertation accrue des différents acteurs dans l'intérêt de l'enfant.

Voilà tout juste un aperçu des grands enjeux de l'adoption internationale.

Johanne Lemieux
travailleuse sociale
Centre de santé et CLSC Paul-Gilbert
418-839-3511
Adapté d'une conférence donnée lors de l'ouverture du
Forum sur l'adoption internationale,
20 novembre 1999
Louvain La Neuve, Belgique

  1. Des racines et des ailes: traduction d'un poème américain repris par la revue «Roots and Wings», trimestriel sur l'adoption.
 
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