Atteint par différents scandales depuis quelques semaines,
le patriarche a réaffirmé, lors de la Pâques orthodoxe, le rôle de
l’Église dans la société russe
« Malgré la liberté religieuse et
sociale dans lesquelles nous vivons, respecter les valeurs chrétiennes
aujourd’hui signifie être à contre-courant, comme dans le passé. » C’est
avec un message vigoureux, invitant à « refuser les stéréotypes » d’une
société qui « justifie le péché », que le patriarche de Kirill de
Moscou, s’est adressé aux fidèles orthodoxes russes, qui ont fêté Pâques
ce dimanche.
Tout au long du week-end, le primat de l’Église
orthodoxe russe a ainsi réaffirmé le rôle de l’Église dans la société,
alors même qu’il est, ces dernières semaines, malmené par divers
scandales : photo maquillée pour masquer une montre de luxe à son
poignet, attribution d’un appartement du Patriarcat de manière indue, et
surtout jugement sévère à l’égard de jeunes filles qui ont, par
dérision, chanté une « prière punk » dans la cathédrale.
Devant
Dmitri Medvedev et son premier ministre Vladimir Poutine, futur
président, dans la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou, Kirill a
affirmé combien le renouveau du pays passait aussi « par une
transformation spirituelle et morale de chacun ». Juste avant, lors d’un
entretien à la télévision Rossia, il avait défendu l’Église contre ces
attaques : « Le fait que les questions privées revêtent une ampleur
nationale s’inscrit dans le contexte de la lutte contre l’Église, a-t-il
dit. Que l’Église dise ce qui est bien et ce qui est mal est devenu
embarrassant pour la société libérale. »
L’Église reste l’institution en qui les Russes gardent leur confiance
La
nécessité pour l’Église de participer de manière plus importante à la
société russe est un des axes stratégiques du patriarche. Très bon
connaisseur de la doctrine sociale catholique, Kirill a, depuis son
élection à la tête de l’Église russe, encouragé une implication plus
grande du clergé orthodoxe à tous les niveaux de la société, y compris
politique, en allant jusqu’à intervenir, lors des dernières élections,
pour le candidat Poutine.
Cette orientation avait été entérinée
par le concile de l’Église russe de février 2011, pour « défendre les
intérêts de l’Église ». De même, Kirill a créé, au sein du Patriarcat,
un département synodal chargé des rapports entre l’Église et la société.
Une
stratégie qui, pour l’instant, rencontre l’approbation du gouvernement.
Ainsi, l’Église russe a obtenu deux grandes concessions de la part de
l’État : la possibilité de nommer des aumôniers militaires dans l’armée
et la mise en place d’un enseignement religieux dans les écoles.
Le
pouvoir voit dans l’Église un soutien contre l’influence du
fondamentalisme musulman venu du Caucase, et aussi la possibilité de
renforcer sa popularité : les sondages indiquent que, dans un pays
laminé par la corruption, l’Église reste l’institution en qui les Russes
gardent leur confiance. D’ailleurs, dans le message qu’il a envoyé à
Kirill pour Pâques, le futur président Poutine a loué la coopération
entre l’Église et l’État et souhaité voir celle-ci s’intensifier à
l’avenir, « pour le bien de notre État ».