07/12/2011
Par Iulia Okutina, Igor Belogourov, RIA Novosti
L’éducatrice
Vera Egorova est toujours prête à répondre à un appel de détresse et à
venir en aide à un enfant. Elle est mère SOS et a élevé plusieurs
générations d’enfants abandonnés. Le jeune garçon russe Artem Saveliev
âgé de 9 ans, qui est demeuré sans parents à deux reprises (en Russie,
puis aux Etats-Unis), est le dix-septième enfant dans la famille de
cette femme étonnante.
La Russie célèbre la fête des Mères le
dernier dimanche de novembre. En cette journée tous les enfants pour qui
Vera Egorova est devenue la personne la plus proche se réunissent dans
sa maison.
Le bonheur de la maternité
"J’ai toujours
voulu avoir une grande famille, des enfants et des rires à la maison,
qu’on m’appelle maman. Mais la nature ne m’a pas donné cette
possibilité", raconte Vera Egorova.
Cependant, le destin lui a donné une chance d’avoir une grande
famille et une maison où résonnent les voix des enfants. Il y a 15 ans,
Vera Egorova a découvert le début de la construction en Russie des
villages sociaux de 12-14 maisons familiales, dont chacune serait
destinée à une mère SOS avec 6-8 enfants.
"En 1996 je me rendais
au travail et j’ai acheté un journal dans lequel je lisais toujours
l’actualité sur les premières pages et faisais les mots-croisés.
J’ignore ce qui m’a poussée à l’ouvrir au milieu. Mais j’y ai vu un
article "Profession: maman", se souvient Vera Egorova.
La
direction du village SOS venait d’annoncer le recrutement de mamans
éducatrices pour les orphelins sociaux. Bien que Vera Egorova n’ait pas
d’expérience dans l’éducation des enfants et soit diplômée de
mathématiques et d'informatique, elle a immédiatement écrit à l’adresse
indiquée. Quatre jours plus tard, le président des villages SOS russes
Elena Brouskova l’a convoquée pour un entretien.
"Elle m’a offert
son livre avec les photos des villages et des enfants de l’étranger. On
y parlait du sort des enfants, et ce qu'ils étaient devenus. J’ai pensé
que cela ne pouvait pas se produire chez nous et n'était possible qu'à
l’étranger. J’avais une idée différente des orphelinats", raconte Vera
Egorova.
La genèse de la famille SOS
Après
les quelques mois de formation, Vera Egorova a commencé à travailler en
tant que mère professionnelle. "C’était très excitant de recevoir les
premiers enfants. J’attendais, je m’imaginais comment ils entreraient et
me regarderaient, en me demandant si la maison allait leur plaire, si
j’allais leur plaire", se souvient-elle.
Une maman SOS et ses 17 enfants
Vera Egorova a attendu plus longtemps que toutes les autres mères
SOS pour entendre dans sa maison les rires des enfants. D’autres mères
sociales ont souvent raconté que lorsque des frères et sœurs biologiques
venaient dans leurs maisons, les aînés refusaient souvent de franchir
le seuil, et les cadets faisaient des crises de nerfs. Les éducateurs
sociaux mettaient des heures à calmer les enfants.
"C’est ce que
je craignais. Mais 5 frères et sœurs sont entrés. Ils étaient timides.
Très tristes, avec les épaules tombantes, des yeux très gentils qui vous
attendrissent immédiatement", raconte la mère SOS.
Ces premiers
enfants ont souvent demandé à leur mère adoptive à quel point elle les
attendait. Le fait est que bien avant que les enfants ne viennent dans
cette maison Vera rêvait de ces 5 frères et sœurs qui lui ont permis de
comprendre ce qu’est une grande famille. "Je n’ai jamais choisi les
enfants, je prenais ceux qu’on me proposait. Je n’ai jamais regardé
leurs dossiers personnels ou médicaux. Si l’enfant venait, c’est que
cela devait être ainsi. Cela signifiait que c’est son destin et le mien
d’être ensemble", estime-t-elle.
Un peu plus tard un père est
également apparu à la maison. Vera Egorova avait rencontré Vassili
Kibenko bien avant son déménagement dans le village. "Il a toujours su
que je ne quitterais jamais cet endroit et n'irais nulle part ailleurs.
C’est mon œuvre et ma vie", dit-elle. C'est ainsi qu’un père, le seul du
village, est apparu dans sa maison.
Le fils américain
Artem
Saveliev a vécu six mois aux Etats-Unis dans une famille d’accueil,
après quoi sa mère Torry Ann Hansen a mis le garçon dans un avion à
destination de Moscou avec une lettre de "désistement" au printemps
2010. Avant cela, il a vécu dans le Primorie (Extrême-Orient russe), au
départ, avec sa mère, puis, lorsqu’elle a été déchue de son autorité
parentale, il a passé plusieurs années dans un orphelinat.
"Avec
Artem j’ai aujourd’hui 17 enfants. Il était si épuisé par les avions,
les voyages, et le changement d’orphelinats et de parents", déclare Vera
Egorova.
Le garçon a rejoint la maison de la mère sociale il y a
deux semaines. Il s’est immédiatement intégré dans la famille et s’est
lié d’amitié avec les cinq autres enfants qui vivent actuellement dans
la maison. Il va à l’école, travaille assidûment et obtient de bonnes
notes. "Je n’ai pas encore choisi mes matières préférées, je n’ai pas eu
le temps", a reconnu Artem.
Il est très sensible dans sa
relation avec ses parents d’accueil. "Dès le deuxième jour il m’a
appelée maman", déclare Vera Egorova.
Le garçon estime que la
famille dans laquelle il a été placé est la meilleure du village. Dès
son arrivée il a commencé à tenir un journal. "La première journée, son
journal contenait une liste similaire à l’énoncé d’un problème de math:
papa – 1, maman – 1, filles – 2, garçons – 4. Et le déroulement de la
journée: papa est rentré du travail, maman fait la cuisine…", se
souvient Vera Egorova.
Pour l’instant le garçon a une attitude
méfiante envers les voyages en dehors du village. La patinoire, le parc
aquatique ou le théâtre ne l’intéressent pas. Il ne suit qu’un seul
chemin: l’aller-retour entre la maison et l’école. Mais cette vie dans
les limites du village plaît à cet élève de CP. Il s’efforce de ne pas
se souvenir de son passé aux Etats-Unis et dit que pour lui une nouvelle
vie commence ici.
"Nous avons appris qu’il a vécu aux Etats-Unis
dans son dossier. Artem n’en a pas du tout parlé. Il a même dit qu’il
ne parlait pas anglais lorsqu’on a acheté les manuels scolaires",
raconte Vera Egorova.
Chaque soir Artem attend sa mère pour lui
lire une histoire passionnante dans sa chambre. Si Vera était débordée
par les tâches ménagères et oubliait de passer dans la chambre des
garçons, Artem ne fermerait pas l’œil de la nuit. "Il ne s’endort jamais
sans que je l’embrasse", fait remarquer Vera Egorova.
Les fêtes familiales et les chagrins maternels
Les
enfants peuvent rester sous l’aile de l’éducatrice du village social
jusqu’à l’âge de 15 ans seulement, puis ils partent vivre dans la maison
sociales de jeunesse. C’est l’échelon suivant dans le système SOS: un
logement social de jeunesse où les enfants qui quittent les villages
vivent et apprennent un métier.
Les enfants des deux premières
promotions ont depuis longtemps grandi, reçu un diplôme, trouvé un
travail et offert à leurs mère SOS trois petits-enfants. Un quatrième
est "en route." Aujourd'hui, Vera Egorova élève sa troisième "promotion"
d’enfants: 4 garçons et 2 filles. Mais pendant le weekend et les jours
de fête le nombre d’enfants dans la maison augmente considérablement:
les "anciens" viennent rendre visite à la personne qui leur est la plus
proche. Parfois, jusqu’à 40 enfants se réunissent. Vera se plaint qu’une
seule table ne suffit pas et il faut emprunter celle des voisins. Pour
cette occasion on se sert de lits pliants et de sets de literie.
Auparavant, lorsque les enfants étaient petits, leur mère était
chargée de cuisiner. Aujourd’hui, les aînés viennent avec leurs idées,
leurs recettes et leurs provisions. Certains font des salades, d’autres
confectionnent des tartes ou un plat chaud. Le père social (qui selon
son épouse est un cordon-bleu) se joint également au processus
culinaire. "Je peux vraiment me reposer pendant ces journées. Je ne fais
que recevoir des félicitations", rit la mère.
Les nouveaux
s’habituent vite aux aînés bien qu’ils n’aient jamais vécu dans la même
famille. "Pour les nouveaux il est important de voir notre relation avec
les premiers enfants. Ils comprennent que s’ils sont tombés ici, ils ne
seront jamais seuls à l’avenir", raconte Vera Egorova.
Ce Nouvel
an sera le premier pour la mère SOS sans enfants dans la maison. Ses
six enfants partent dans un camp de vacances. "Les aînés viendront, mais
les petits ne seront pas là. Lorsqu’ils partent dans les camps de
vacances, en moins d’une semaine j’ai le cœur serré, tellement ils me
manquent", partage ses angoisses la mère sociale.
Elle ne
voudrait jamais se séparer de ses enfants d’accueil: bien qu’ils ne
soient pas de son sang, ils sont proches spirituellement. Dans un an,
Vera Egorova prend sa retraite, mais espère que la direction du village
lui permettra de continuer à élever ses enfants actuellement âgés de
13-14 ans jusqu’à leur majorité. "Et je pense que je prendrai les trois
autres petits avec moi et les adopterai. Tout est toujours pour le
mieux. C’est mon destin d’être ici", affirme Vera Egorova.
http://fr.rian.ru/discussion/20111207/192332646.html
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