Devenir parent d’un enfant grand

L’adoption renvoie souvent à l’image d’une rencontre entre un enfant et des parents, à la naissance d’une famille et aux émotions fortes que suscite la réunion de ces êtres qui, chacun, manquait à l’autre. Nous aimons de façon légitime ces images si positives de la vie, qui nous donnent du plaisir, de la joie, de l’espoir et nous projettent dans l’attente d’heureux événements. Ainsi, le visage illuminé d’un parent découvrant celui qui va devenir son enfant et les yeux écarquillés d’un enfant abandonné voyant ceux qui vont l’accompagner dans la vie, sont des regards croisés pleins de promesses. Dans l’adoption, tout cela est réel, tout cela existe bel et bien.
Toutefois, l’adoption ne se résume pas à cet « instantané » et représente bien plus qu’une image sur papier glacé. Elle est le récit d’une famille qui se construit au fil du temps. Devenir parents est un long voyage qui ne met pas à l’abri des inévitables intempéries liées à cette rencontre particulière. La filiation adoptive a ses fragilités, ses dangers et ses dérives.

Lorsque les parents accueillent un enfant en adoption, ils découvrent une petite personne chargée d’une histoire dont le plus souvent, ils ne connaissent que des bribes. C’est parfois un bébé, mais souvent un enfant plus âgé, qui témoigne d’un vécu d’une ou plusieurs années et sur lequel peu d’informations sont communiquées. Quel que soit son âge, cet enfant a toujours eu à vivre un abandon, parfois suivi de plusieurs séparations. L’histoire transgénérationnelle et inconsciente des parents et de l’enfant, avec tout ce quelle contient de positif et de négatif, intervient également dans ce processus d’adoption mutuelle.
Ainsi, l’enfant que découvrent les parents se révèle parfois déconcertant. Les premières semaines qui suivent la rencontre initiale et l’accueil de l’enfant sont souvent très éprouvantes et confrontent chacun à l’inconnu. Les expressions et les manifestations de l’enfant apparaissent aux parents comme dépourvues de sens, ce qui les désoriente temporairement.

Tous les parents adoptifs devraient idéalement témoigner de certaines qualités particulières pour « réussir » leur projet d'adoption, telles que la patience, une grande capacité d'aimer, des relations stables avec leur milieu, ainsi que la capacité d’accomplir un travail de renoncement à l’enfant biologique rêvé.Pour relever les défis d’une adoption dite « tardive », les parents d'un enfant relativement âgé devraient en outre être spécifiquement préparés, présenter une ouverture et une souplesse psychique particulière, ainsi qu’une grande capacité d’identification à l’enfant à venir et aux difficultés auxquelles il risque d’être confronté.
Inscrire l’enfant dans son histoire suppose de pouvoir évoquer sa propre histoire, mais aussi de s’ouvrir à l’histoire de l’enfant, en questionnant les adultes qui l’ont accompagné durant ses premières années de vie, afin de mieux comprendre les carences qu’il a pu subir pour l’accompagner, avec respect et patience, dans son nouvel environnement. Les enfants « grands » vont être rapidement embarqués dans la socialisation et se montrent souvent heureux de rencontrer leurs pairs. Les parents doivent être conscients des problèmes possibles d'intégration scolaire et vérifier auprès de l'école que l'enfant pourra compter sur les ressources nécessaires.

Certains parents nous disent combien ils n’avaient pas mesuré, au fil de leur histoire d’adoption, le décalage qu’il pouvait y avoir entre le rêve et la réalité. Prendre appui, oser demander de l’aide pour souffler et mieux appréhender la vie quotidienne peut alors s’avérer nécessaire. Se donner du temps pour s’apprivoiser mutuellement, sans craindre les différents sentiments qu’on éprouve face à l’inconnu et les exprimer, permet de ne pas se décourager lorsqu’on est confronté à tant de nouveautés.
La tolérance, la patience et l’humour sont des cartes très précieuses dans ces premiers temps de découverte réciproque. Petit à petit, les parents et l’enfant ont la possibilité de développer une acceptation mutuelle inconditionnelle. Mais il est normal que ce processus prenne du temps et parfois plusieurs mois.
Adopter un enfant grand demande de bien connaître ses forces et ses faiblesses, de pouvoir se remettre en question ou être remis en question par l'enfant, d’être capable de changer, de se contrôler et d’agir sans être, au moins au départ, gratifié par les réactions de l'enfant. Il s’agit d’être assez fort pour accompagner l'enfant dans sa souffrance et ses deuils, d’accepter qu'il soit insatisfait et d’avoir une grande disponibilité en temps et en énergie à lui consacrer. Chaque parent a, en amont de l’accueil de l’enfant, à estimer ses propres limites.

Lorsqu’ils nourrissent un tel projet, les futurs parents devraient pouvoir entendre quelque chose des manques psychiques de l’enfant et des possibles traces traumatiques qu’il porte en lui. Dans le contexte de l’évaluation psychosociale et du temps de réflexion qu’elle ouvre, il est nécessaire d’anticiper de façon réaliste les risques possibles d’un tel projet, en vérifiant que l’enfant bénéficie lui aussi, en parallèle, d’une préparation à la rencontre avec ses futurs parents. De nombreux enfants grands dans le monde sont en attente de parents…

Ouvrir son coeur et faire famille avec eux est une magnifique promesse. S’il faut prévenir, il est nécessaire aussi de ne pas stigmatiser systématiquement l’accueil d’un enfant grand, car ce serait oublier la capacité de résilience des enfants. Témoins de la singularité de chaque histoire, les professionnels d’Espace adoption sont à votre disposition pour vous accompagner dans une préparation adaptée à l’adoption d’un enfant grand mais aussi, dès votre retour de son pays d’origine, pour partager vos interrogations, vous permettre de mieux cerner ses besoins spécifiques et vous soutenir
dans cette grande aventure.