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Les enfants du paradis

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Discours sur l'adoption
18-12-2011

RENCONTRE
SUR «LA PRÉPARATION DU PROJET D’ADOPTION :
LES ENJEUX ACTUELS»
DISCOURS
DU SECRÉTAIRE D’ÉTAT
CHARGÉ DES FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER,
ÉDOUARD COURTIAL


(Paris, 22 novembre 2011)

Madame le Sénateur,

Mesdames et Messieurs les Présidents,

Madame la Directrice générale du Secrétariat pour l’adoption internationale au Québec,

Madame la Sous-Directrice de l’enfance et de la famille à la Direction générale de la cohésion sociale du Secrétariat d’État à la famille,

Madame l’expert junior de la direction «protection juridique des enfants et des adoptions internationales» au ministère de la Justice bulgare,

Monsieur l’Ambassadeur chargé de l’adoption internationale,

Mesdames et Messieurs, bienvenue à tous, en particulier à nos amis du Québec et de Bulgarie qui nous font l’honneur et l’amitié de participer à cette rencontre.

Votre présence, très nombreuse, puisque 82 départements français sont représentés, montre l’intérêt que vous portez à l’adoption internationale. C’est pour le Service de l’adoption internationale qui organise cette journée pour la deuxième année, en liaison avec le secrétariat d’État à la famille, un puissant encouragement.

Le thème choisi : «La préparation du projet d’adoption : les enjeux actuels», est une invite à réfléchir ensemble sur la méthode et les moyens destinés à préparer les familles candidates à l’adoption à accueillir un enfant dans les meilleures conditions.

En préambule à vos travaux, je souhaite mettre l’accent sur quatre points importants.

En premier lieu, comme vous le savez, le nombre des enfants adoptés dans le monde est en diminution constante.

Qu’on en juge : il est passé de près de 45 000 en 2004 à moins de 30 000 en 2010, soit une baisse de près de 40 pour 100 en 6 ans. Aux États-Unis d’Amérique, 1er pays d’accueil des enfants adoptés, cette baisse est encore plus significative puisqu’elle est de l’ordre de 50 %.

Cette tendance générale n’épargne pas la France qui compte 1.690 adoptions réalisées au 1er novembre 2011 contre 2 714 au 1er novembre 2010 et 2 458 en 2009.

Cette diminution résulte en grande partie de la décision de gel des nouveaux dossiers prise en Haïti conformément aux recommandations des instances internationales, au lendemain du séisme du 12 janvier 2010. Le nombre des adoptions réalisées en Haïti qui s’élevait à 653 en 2009 pour atteindre 992 en 2010, n’est plus aujourd’hui que de 30.

L’adhésion d’un plus grand nombre d’États à la Convention de la Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération internationale, ils sont aujourd’hui 85, est aussi un facteur d’explication de cette situation en raison de l’application du principe de subsidiarité.

Le principe de subsidiarité de l’adoption internationale par rapport à l’adoption nationale est des éléments fondamentaux de cette convention. Les États étant souverains dans la décision de proposer un enfant à l’adoption internationale, la marge de manœuvre sur l’évolution à long terme de l’adoption internationale ne peut être que limitée.

Je souhaite insister en second lieu sur la conséquence de cette situation, c’est-à-dire sur la modification substantielle du profil des enfants à adopter.

En effet, en application du principe de subsidiarité, que je viens d’évoquer, les États d’origine proposent, de plus en plus souvent, à l’adoption internationale, des enfants auxquels ils souhaitent offrir une chance de mettre fin à une longue période de vie en institution ou dont le handicap peut être pris en charge dans de meilleures conditions ailleurs.

Dès lors, le profil des enfants adoptés évolue de manière très sensible vers celui d’enfants à besoins spéciaux, c’est-à-dire d’enfants plus âgés (ayant plus de 5 ans), appartenant à une fratrie ou encore à particularités médicales.

Ce nouveau profil, en troisième lieu,  a un impact direct sur l’attitude des familles, leur accompagnement et sur votre action.

La prise en charge de ces enfants modifie profondément le rôle des acteurs de l’adoption internationale que vous êtes, Mesdames et Messieurs. Elle demande de consacrer plus de temps à l’accompagnement des familles dans la prise de conscience des limites d’un projet d’adoption. Elle requiert une plus grande vigilance et un professionnalisme accru pour prévenir les risques d’échecs.

Car, la préparation d’une famille candidate à l’adoption oblige à l’informer de la façon la plus claire et la plus précise sur les réalités de l’adoption internationale. Adopter un enfant aujourd’hui est différent d’il y a 10 ou 20 ans. Car le degré d’exigence sociale, matérielle et psychologique des pays d’origine est nettement plus élevé.

Il faut donc faire cheminer les familles, de «l’enfant rêvé», voire «idéalisé», vers l’enfant qu’il sera en définitive possible d’adopter. C’est toute la difficulté de votre travail.

Alors que nos amis italiens, espagnols et américains se sont résolument engagés dans la prise en charge d’enfants à besoins spéciaux (en 2010, 57 % des enfants adoptés par des familles italiennes avaient plus de 5 ans contre 22 % en France), nous avons encore, en France, un long chemin à parcourir.

Lorsque le Service de l’adoption internationale annonce aux familles que le délai de traitement d’une adoption d’un enfant, jeune et en bonne santé, est de 5 ans en Chine (4ème pays d’origine) ou de 4 en Colombie (2ème pays d’origine), mais qu’il peut être considérablement réduit s’il s’agit d’un enfant à besoins spécifiques, il ne cherche pas à les pousser à choisir coûte que coûte des enfants plus âgés ou des fratries.

Il le fait au nom de son devoir de vérité et de transparence, pour les conduire en toute connaissance de cause :

- soit à renoncer à un projet qui dépasserait leurs limites ;

- soit à s’engager dans un projet répondant aux nouveaux critères des pays d’origine après avoir bénéficié d’une préparation adaptée.

Cette vérité doit être dite, le plus tôt possible, le plus en amont possible du processus d’adoption afin d’éviter les frustrations provoquées par de longues attentes et les déceptions résultant de vaines espérances. Mesdames et Messieurs, 26 000 agréments en vue d’adoption sont en cours de validité. Or, force est de constater que ces agréments, le plus souvent délivrés pour des enfants de moins de trois ans et en bonne santé, sont maintenant en inadéquation avec les réalités de l’adoption internationale.

La prise en charge d’un enfant plus âgé ou d’une fratrie nécessite une information spécifique de la famille et, de sa part, une réflexion approfondie sur les objectifs recherchés, sur sa capacité à se remettre en cause, à bouleverser ses habitudes pour devenir des parents à part entière. Elles peuvent y être aidées par l’exemple d’autres familles ayant relevé ce défi mais, aussi et surtout, par les professionnels de l’enfance et de l’adolescence que vous êtes.

La situation des enfants à particularité médicale est encore différente. Selon les statistiques de «Médecins du Monde», 81 % d’entre eux ont moins de deux ans. Il s’agit de très jeunes enfants dont la maladie, l’appareillage, les cicatrices physiques apparentes ou non peuvent effrayer. Là encore, une information précise et complète fournie par une équipe de médecins spécialisés, associée à un accompagnement personnalisé, permet de dédramatiser l’hôpital, les soins et rend le handicap moins lourd à supporter. La perspective de leur adoption constitue pour ces enfants une véritable chance de pouvoir vivre normalement et dignement.

Les questions de santé prennent de plus en plus d’importance dans le processus d’adoption. C’est pourquoi, l’invitation des représentants des consultations d’orientation et conseils en adoption (COCA) à participer à cette journée est une heureuse initiative qui mérite d’être soulignée.

La situation de l’adoption internationale à l’échelle mondiale et l’évolution du profil des enfants proposés conduisent tout naturellement à évoquer l’adoption nationale en France qui ne représente guère que 25 % des quelque 2 500 adoptions réalisées chaque année. Or, il y a chez nous, des enfants adoptables, grands ou en fratrie ou à particularité médicale ; il n’est pas nécessaire d’aller les chercher au bout du monde. Nos voisins anglais, qui recourent peu à l’adoption internationale et privilégient l’adoption nationale, l’ont bien compris.

C’est pourquoi je voudrais saluer en quatrième point le remarquable travail réalisé depuis deux ans à l’initiative du Conseil supérieur de l’Adoption et de sa présidente, Madame Michèle Tabarot, récemment concrétisé par une proposition de loi qui prévoit :

- d’une part, une réforme de l’agrément en vue d’adoption et la mise en œuvre de modules obligatoires d’informations des familles préalablement aux évaluations sociales et psychologiques ;

- d’autre part, une modification de l’article 350 du code civil permettant d’envisager un autre projet de vie pour les enfants en situation de délaissement parental.

J’espère que les débats auxquels cette proposition de loi donnera lieu, seront riches et ouverts. Car ce sujet hautement sensible le mérite :

- d’abord parce qu’il concerne des enfants auxquels la vie n’a pas réservé les mêmes chances qu’à d’autres ;

- parce qu’il est ensuite éminemment complexe en raison de ses multiples interférences sociales, psychologiques, médicales ou juridiques.

C’est pourquoi, un partenariat étroit et constructif entre les différents acteurs concernés est essentiel. Cette rencontre d’aujourd’hui, que je félicite le Service de l’adoption internationale d’avoir organisée, participe de ce travail.

En conclusion, je souhaite, Mesdames et Messieurs, que vos travaux soient denses et constructifs. L’intérêt que nous portons tous à ce domaine si particulier qu’est l’adoption, le réclame.

Ensemble, nous devons être à la hauteur des enjeux. Car ce qui est en cause, c’est rien de moins que l’équilibre de familles qui s’engagent à aimer les enfants qui leur sont confiés et à les conduire sur la voie de l’épanouissement et du bonheur.

Nous savons tous, lorsque nous sommes parents, combien cet engagement est lourd de responsabilité, combien il est exigeant, mais combien aussi il est source de vives et tendres satisfactions. C’est pourquoi, nous devons aider ces familles, méritantes et courageuses, sur ce long chemin, parfois semé d’embûches, qui consiste à élever un enfant.

Enfin, Mesdames et Messieurs, je voudrais rendre hommage à votre implication personnelle, à l’action des institutions que vous représentez et à tous vos collaborateurs. Votre travail est difficile, psychologiquement éprouvant, mais il est empreint de noblesse, de générosité et d’humanité. Pour tout ce que vous faites, je vous dis merci./.

 

https://pastel.diplomatie.gouv.fr/editorial/actual/ael2/bulletin.asp?liste=20111122.html#Chapitre6

 
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