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Les enfants du paradis

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Par-delà l’irrationnel de l’adoption
04-06-2011
 24/04/2011
 
Certains feront peut être grise mine dans la mesure où ils estimeront voir leurs chances d’être parents diminuer encore, pourtant on doit s’en réjouir : le nombre d‘enfants pupilles de l’Etat, c’est-à-dire d’enfants sans famille pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance, continue à chuter. (rapport de l’ONED http://www.oned.gouv.fr/donnees-chiffrees/37-enquetes-en protection-de-lenfance/1091-enquete-pupîlles-2009.html).   

Durant l’année 2009, 3 293 enfants ont bénéficié, à un moment donné, du statut de pupille de l’État. 1005 enfants ont été admis comme pupilles – dont 806 à titre définitif – soit un peu plus d’une admission pour mille naissances. Cette proportion varie de 0 à 4 pour 1 000 selon les départements. En revanche 1 031 enfants ont quitté ce statut. Aussi au 31 décembre 2009, les pupilles étaient au nombre de 2 268 en baisse de 1,2% part rapport 2008 (2296 au 1/12/2008) 

Pour prendre la mesure de l’évolution je me dois ici rappeler qu’en 1900 on dénombrait 150 000 pupilles pour une population d’environ 26 millions d’habitants, 40 000 en 1960, 20 000 en 1980. Ils étaient encore 7 696 en 1987 pour chuter à 3659 en 1995. 

A cette baisse considérable il y a bien évidemment plusieurs explications qui, comme souvent, se cumulent. J’en distingue trois majeures qui sont autant de progrès de société.

 

D’abord une meilleure maitrise de la contraception qui fait que les enfants sont plus souvent désirés que subis et dès lors mieux acceptés. 

Ensuite, le développement des aides sociales – allocations financières mais aussi soutien social - accordées directement ou non aux enfants et à leurs parents. On vise à permettre l’exercice des responsabilités parentales plus qu’à « déchoir » les parents. 

Enfin, l’évolution - récente rappelons-le - du statut de la mère célibataire, et plus largement des femmes, qui fait qu’on peut être mère non mariée sans être considérée comme une trainée. 

Ces enfants qualifiés de pupilles de l’Etat – à distinguer des pupilles de la Nation dont les parents sont morts pour la France et qui sont pris en charge par la collectivité nationale - ont pour tuteur le préfet et pour gardien le président du conseil général. Leur prise en charge est assumée par la collectivité locale, généralement jusqu’à 21 ans, par-delà leur majorité civile, s’ils ne sont pas adoptés. Un conseil de famille des pupilles de l’Etat – il en existe un par groupe de 60 enfants – assiste le préfet et le président de conseil général sur les décisions les plus importantes comme le fait de confier l’enfant à une personne ou un couple aux fins d’adoption. En 1984 – loi dite loi Dufoix du 6  juin 1984 - au moment de la décentralisation on a hésité à les qualifier de pupilles du département ou du conseil général comme certains l’auraient souhaité dans cette période de transfert de l’Etat vers les conseils généraux des compétences en matière sociale. En maintenant statut quo ante on signifiait que par–delà le département d’accueil, la collectivité nationale avait une responsabilité à leur égard. Ainsi désormais, pour 100 000 mineurs vivant en France, près de 16 mineurs ont le statut de pupille de l’État. Cette proportion, relativement stable depuis 2006, est plus de trois fois inférieure à celle observée il y a vingt ans. En termes de répartition, la moitié des départements compte moins de 14 enfants ayant le statut de pupille de l’État tandis que 3 départements en comptent plus de 100 (le Nord, Paris et la Seine-Saint-Denis). 

En d’autres termes, contrairement à une représentation très répandue, y compris dans la classe politique, la plupart des enfants confiés à l’Aide sociale à l‘enfance par décision de justice ou par leurs parents  –140 000 sur une année – ne sont pas privés de famille et adoptables. Mieux, pour la grande majorité d’entre eux ils ne feront qu’un séjour relativement court au sein de l’Aide sociale à l‘enfance pour retrouver rapidement leur place chez eux auprès des leurs. Bref, l’ASE n’est plus l’Assistance publique de jadis, ni même la DDASS à l’image si négative, qui accueillait les enfants des rues abandonnés ; au contraire, son souci est d’éviter qu’un enfant quitte son domicile et surtout rompe avec sa famille.  

Pourtant, bien sûr, il est des cas où cette rupture s’impose, ne fut-ce que pour protéger l’enfant.  

Ajoutons pour combattre une autre représentation, que les enfants de l’ASE ne sont pas des enfants battus. Souvent ils sont mal-traités, rejetés ou en conflit avec leurs parents. Ils ont des parents confrontés à des problèmes personnels plus ou moins chroniques qui les empêchent d’assumer leurs responsabilités. Avec l’aide des services sociaux, nombre arrivent à se (re)mettre en situation d’élever leurs enfants, mais certains ne le seront jamais. Il faudra donc que les services sociaux prennent l’initiative de saisir la justice pour faire transférer partiellement ou totalement l’exercice de ’autorité parentale (la délégation) ou rompre totalement le lien (retrait d’autorité parentale, déclaration judiciaire d’abandon). Parfois, les parents eux-mêmes décideront explicitement de renoncer à leur enfant, pas toujours par facilité mais parce que conscient de ne pas pouvoir répondre à leurs besoins. L’abandon – qualifié aujourd’hui de remise aux fins d’adoption – n’est pas toujours un acte de délaissement, mais, régulièrement, un geste de responsabilités.  

Ainsi en 2009 les deux-tiers des 1005 admissions concernent des enfants « sans filiation » , essentiellement des enfants nés sous le secret sachant que le nombre de naissances suite à un accouchement avec demande de secret est en hausse pour la troisième année consécutive depuis que cette information est recueillie passant de 598 naissances en 2008 à 664 en 2009 (+11%). Parallèlement, 3 enfants ont été trouvés en 2009.  

Les déclarations judiciaires consécutives à un délaissement implicite – les parents se sont désintéressés de l’enfant depuis plus d’un an - sont passées de 1200 environ à 624 en 2009 soit 16 % des admissions (2300 en 1989). D’autres enfants - environ 300 - sont accueillis suite à un retrait total de l’autorité parentale. 

Devenus pupilles de l’Etat, ces enfants ont vocation, non pas à être adoptés, à ce que l’on forme pour eux un projet d’adoption. La nuance est de taille. L’adoption peut parfois être contrindiquée ou simplement impossible comme pour nombre d’enfants âgés, porteurs de handicap, de couleur ou en fratrie. En tout cas, la question doit être posée chaque année lors d’un conseil de famille. 

Dans les mois qui suivent l’admission, la situation des pupilles est susceptible de changer rapidement. Ainsi, avant la fin de l’année 2009, près de la moitié des nouveaux admis avaient été placés dans une famille adoptive et 11 % étaient retournés dans leur famille naturelle notemment après que les parents ayant confiés leur enfants aux fins d’adoption aient fait usage de leur droit de rétractation. 

Pour plus d’un tiers, les pupilles de l’Etat seront finalement adoptés. Ainsi, au 31 décembre 2009, 37 % des pupilles de l’État sont en attente d’un jugement d’adoption. Le nombre d’enfants pupilles de l’État placés dans une famille adoptive en vue de leur adoption passe de 816 à 845 (+3,6%). Celle-ci est le plus souvent une famille agréée du département, excepté pour les enfants les plus âgés, notamment pour ceux qui sont admis suite à une décision judiciaire ou encore les orphelins. La famille d’adoption est alors une fois sur deux la famille d’accueil de l’enfant.  

Les pupilles sont, proportionnellement, plus souvent placés en vue d’adoption aujourd’hui qu’il y a vingt ans. Ceci est sans doute lié à différents facteurs comme la baisse du nombre de pupilles, mais aussi à un changement de politique visant à favoriser le placement adoptif ou encore la création de dispositifs permettant aux départements d’échanger plus facilement des informations – notamment sur les enfants dits « à particularité ».  

Les enfants qui ne sont pas placés en vue d’adoption ont en moyenne 11,1 ans, 72 %d’entre eux ayant eu une prise en charge antérieure à l’Aide Sociale à l’Enfance. Les enfants non placés en vue d’adoption présentent des situations diverses. Certains sont bien insérés dans leur famille d’accueil (12 %) qui pour autant ne peut ou ne veut pas créer un lien de droit avec eux. Un enfant n’est pas adopté que par une assistante familiale mais par son conjoint et aussi par leurs proches ! D’autres ne sont pas prêts à être adoptés en raison de séquelles psychologiques, échec d’adoption, refus de l’enfant (10 %). Pour 4%, des liens  - juridiques ou filiaux - perdurent avec leur famille. Enfin, pour 48 % des enfants, aucune famille adoptive n’a été trouvée du fait de leur état de santé, handicap, de leur âge élevé ou de leur appartenance à une fratrie. En raison de la diminution d’enfants dont l’état de santé - ou le handicap) - ou le fait d’être en fratrie est un obstacle à l’adoption l’absence de projet d’adoption due à une particularité passe de 55% à 48% de 2008 à 2009. 

Les jeunes devenus majeurs au cours de l’année 2009 sont restés pupilles de l’État pendant, en moyenne, 9,3 ans. 

Au 31 décembre 2009, près de la moitié des enfants admis comme pupilles dans l’année a été placée dans une famille adoptive, le jugement d’adoption ayant même été prononcé pour certains d’entre eux (près de 3% des admis en 2009) tandis que 12 % ont quitté le statut de pupille de l’État, la plupart ayant été repris par leur famille (1031 enfants ont quitté le statut de pupille de l’État durant l’année 2009 (-5%). Ainsi, 67 % des sorties font suite à un jugement d’adoption, 20 % relèvent de l’acquisition de la majorité et 11 % d’un retour chez les parents avant le délai légal.  

On retiendra que les pupilles en attente de famille adoptive ont en moyenne 11 ans et quelques quand ceux qui désirent adopter recherchent une enfant en bas-âge. Il faut donc que les responsables départementaux de l’adoption des pupilles prospèrent au-delà du cercle des « candidats » à l’adoption. 

Si le nombre d’enfants pupilles décroit le nombre de candidats « agréés » à l’adoption diminue également passant 28 200 en 2008 à 26 600 en 2009.  

Dès lors on mesure la difficulté pour les pouvoirs publics du dossier « Adoption » : le nombre de personnes soucieuses d’adopter est quasiment 15 fois supérieur au nombre d’enfants adoptables en France sachant en outre que leur attente (un enfant isolé de moins de trois mois, d’origine européenne, en bonne santé) ne correspond pas au « stock » des pupilles (enfants plus âgés, avec des particularités). C’est un leurre et une erreur politique majeure que de penser que les services de l’Aide sociale à l‘enfance regorgent d’enfants adoptables. Par une application stricte de nos lois très peu d’enfants nouveaux pourraient devenir adoptables. C’est une méconnaissance majeure d’affirmer comme le fit Mme Morano alors ministre de la famille que les 23 000 enfants confiés par justice à l’ASE étaient voués à être adoptés.  

Au cours de l’année 2009, les services des Conseils généraux ont reçu 8 377 nouvelles demandes d’agrément de la part de couples ou de personnes seules. En termes d’évolution, le nombre de nouvelles demandes d’agréments poursuit sa baisse, dans des proportions moins importantes (- 3% contre -26 % un an plus tôt). Dans le même temps, 6084 agréments ont été accordés (-13% entre 2008 et 2009). 

Par ailleurs, pour la première fois depuis que cette donnée est recueillie les retraits d’agréments, après une augmentation de 54% entre 2007 et 2008, sont en recul de 9% en 2009 passant de 1023 à 929. que les retraits d’agréments diminuent.  

Le rapport de l’ONED livre nombre de données qui mériteraient d’être restituées et expliquées à nos compatriotes quand trop souvent (conf. le rapport Colombani et le projet Morano aujourd’hui fort heureusement enterré) on laisse à penser que trop d’enfants attendent d’être adoptés au sein des services sociaux sinon à l’étranger sachant que sur ces questions il faut renforcer les efforts de pédagogie tellement on est dans l’irrationnel : ceux et celles qui sont en quête d’enfants n’entendent que » ce qu’ils veulent entendre. Dès que l’on parle d’adoption même pour tenir un langage de vérité on suscite un (faux) espoir et l’on  fait souffrir ceux qui attendent un enfant. Pourtant ce langage s’impose.

 

http://jprosen.blog.lemonde.fr/2011/04/24/par-dela-l%E2%80%99irrationnel-de-l%E2%80%99adoption-420/

 

 
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