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Les enfants du paradis

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Peut-on sauver le monde rural russe ?
25-05-2011

 23 mai, 2011
Olga Timofeïeva, Russkiï Reporter

De nombreuses branches agricoles en Russie permettent de faire des affaires juteuses et riches en perspectives : la production de céréales ainsi que l’élevage de poulets et de porcs est en pleine croissance depuis dix ans et a, par endroits, largement dépassé les rendements de l'époque soviétique. Dans le même temps, d'immenses espaces sont tout simplement en train de revenir à l'état sauvage. Les grands complexes agricoles ne s'y implantent pas, il ne reste quasiment plus rien des kolkhozes, et les habitants de ces régions finissent donc par partir.

 Quelles sont les chances de survie pour ces zones délaissées ? Tatiana Nefyodova, chercheuse de l'Institut de Géographie de l'Académie russe des Sciences, nous a expliqué pourquoi il n'était pas nécessaire de sauver toutes les exploitations agricoles dans toutes les régions russes et comment assurer la survie de villages sans perspectives. « Mon idée principale, c'est que l'agriculture est une branche qui se développe chez nous, qui a des perspectives, mais pas partout : seulement sur une petite zone du Centre Tchernozem (Terres noires), jusqu'à la Volga, un peu en Trans-Volga et dans les plaines du Caucase du Nord. Au total, ce sont 14% du territoire sur lesquels on a semé du grain et où il pousse. C'est tout. Alors que sous l'URSS, chaque région était censée posséder son réseau d'exploitation agricole. »

 Comment ont survécu les kolkhozes ?

 Les céréales et le lait qui venaient de la périphérie des régions, hors Terres noires, étaient véritablement chers. Dans la région de Novgorod, la responsable du kolkhoze nous avait alors dit qu'ils avaient calculé que ne rien planter du tout, payer seulement un salaire aux gens et acheter du grain serait beaucoup plus rentable. Tout tenait grâce au contrôle du parti et aux énormes subventions. Ensuite, le système s'est effondré. La production a chuté jusqu'en 1998. Puis ça a été le défaut de paiement, le bond du dollar, et il est devenu clair que cultiver sa propre production était plus rentable que chercher à importer. Cela a donné une impulsion au développement de la production. Et nous avons aujourd'hui atteint un taux de 90% de la production de 1990. Mais que se passe-t-il ? Le cheptel de bétail diminue et les campagnes de semailles se réduisent.

 Qu'est-ce qui explique alors la croissance de la production ?

Cela tient à certains districts et même aux petits foyers. Les meilleures entreprises se situent dans les régions de Moscou et de Léningrad, dans les Terres noires et dans la région de la Volga. Et des petits points dans les zones périurbaines. Il y a une corrélation entre vaches et villes. Dans la banlieue de Kostroma, on produit 4 500 litres de lait, et plus on s'éloigne du centre, moins on tire de lait.

 Comment peut-on l’expliquer ?

La nourriture est en fait bien meilleure en périphérie. Les prés sont ouverts, les champs abandonnés. Les vaches peuvent paître où elles veulent... Mais il n'y a personne à faire paître, personne pour qui préparer du foin. Les investissements n'y vont pas, les exploitations sont à bout de souffle.

 Et vous estimez que ce n'est pas si mal ?

Pour les gens qui y habitent, c'est évidemment une mauvaise chose. Mais globalement, pour la Russie, ce n'est pas mauvais. Parce que la production se concentre là où se trouvent les ressources. L'agriculture part vers le sud, où les conditions climatiques sont meilleures et où il y a du monde.

 Mais l'état de la production agricole et la vie des gens dans les campagnes sont deux choses différentes.

Là où la production agricole est en déclin, le milieu agricole lui-même s'est dégradé, ainsi que la vie sociale et économique. Les gens ne veulent plus travailler tous les jours, qui plus est pour gagner une misère. Mieux vaut ramasser des champignons, des baies, et les vendre sur le bord de la route. Grappiller quelques sous chez les propriétaires de datcha. Certaines exploitations pourraient encore avoir du bétail, cultiver des légumes, ne sauraient pas où écouler leur production. L'État et les municipalités doivent y travailler. Il faut un réseau de marchés de gros, pour que les gens puissent vendrent leurs produits à des prix normaux. Chacun doit pouvoir avoir accès à un ou deux marchés. Puis ce réseau de marchés doit s'organiser en un marché régional unique. Il faut une impulsion, des crédits pour mettre en place cette infrastructure. Avec 2 000 mètres carrés de terre arable, les gens pourraient faire des miracles.

 Les datchniki (propriétaires de datchas) sont aussi un plus ?

Un énorme plus. Ils sauvent les meubles. Ils conservent des villages entiers. Ils donnent du travail aux locaux. Les gens savent que les datchniki vont venir, qu'ils vont acheter du lait, du fromage frais, ce qui signifie qu'il y a besoin de vaches. Les datchniki ne pourraient pas non plus le faire sans les habitants du village. Quand il n'y a plus personne dans un village, c'est le début du pillage.

 Il y a donc encore de l'espoir ?

Le désespoir ne s'appuie que sur le manque d'énergie. Gleb Tiourine essaie de faire renaître cette énergie, mais ça ne marche pas à tous les coups. S'il y a une ou deux personnes enthousiastes dans un village, c'est l'idéal. Mais quand cette énergie intrinsèque n'existe pas dans un village, on ne peut pas l'importer de l'extérieur...

 Encadré sur Gleb Tiourine

Le sauveur

 Pour la majorité des internautes, Gleb Tiourine est l'homme qui sauve les villages. Son objectif : changer les mentalités, pour inciter les gens à croire en eux et à se lancer. « Un projet qui se concrétise est, par définition, un projet qui semble, au départ, impossible à réaliser, estime Gleb Tiourine. Un village est capable de créer 30 emplois en recevant 200 000 roubles (5 000 euros). Pour 50 000 roubles (1 250 euros), il construit un château d'eau qui vaut un million. Il crée des dizaines de projets dont la rentabilité est plus élevée que celle de multinationales ! »

 
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