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Les enfants du paradis

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L’histoire méconnue de l’adoption internationale en France
29-05-2011
  Un chercheur angevin a dressé, à partir d’archives et de témoignages, une histoire inédite de l’adoption internationale.

Joséphine Baker  a été une pionnière de l’adoption. Avec sa « tribu arc-en-ciel » composée de 12 enfants, l’artiste voulait former une famille de toutes les nationalités, cultures et religions.

Une réalité forte dans le Grand Ouest, terre de tradition catholique, où sont nées de nombreuses associations d’adoptants.

Noël dernier, aéroport de Roissy. Les images de parents adoptants guettant fébrilement l’arrivée de leurs enfants haïtiens avaient marqué les esprits. Sur les 3 504 enfants adoptés à l’étranger l’an dernier, près d’un millier provenait d’Haïti. 

Professeur d’histoire contemporaine à l’université d’Angers (Maine-et-Loire), Yves Denéchère apporte un éclairage inédit à cet épisode en proposant un ouvrage qui se présente comme la première synthèse sur l’histoire de l’adoption internationale en France. 

Depuis les années 1960, plus de 100 000 enfants étrangers ont ainsi été adoptés, plaçant la France parmi les premiers pays d’accueil, juste derrière les États-Unis.

Joséphine Baker adoptera 12 enfants 

Tout commence en 1923, avec une loi autorisant l’adoption de mineurs. Jusqu’alors, le code civil de 1804 organisait l’adoption d’adultes par des adultes pour donner un héritier à une famille qui en était dépourvue. Désormais, il s’agit d’offrir une famille à un enfant qui n’en a pas. 

Le premier grand mouvement d’adoption internationale vers la France est largement méconnu. Il concerne, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, plusieurs centaines d’enfants abandonnés par leur mère allemande et souvent non reconnus par leur père, soldat français. Recueillis dans des Kinderheime (orphelinats), ils étaient examinés par des médecins français, puis acheminés en France dans des pouponnières.

L’adoption d’enfants étrangers demeure cependant confidentielle. Elle est surtout l’œuvre de pionniers comme l’artiste Joséphine Baker (1906-1975), qui adoptera 12 enfants de nationalités, cultures et religions variées (Venezuela, Côte d’Ivoire, Corée…). Avec leur « tribu arc-en-ciel », l’artiste et son mari Jo Bouillon voulaient former une famille de toutes les couleurs, élevant chaque enfant dans le respect de ses origines et de sa religion. 

Dans les années 1960, un autre mouvement d’adoption internationale peu connu apparaît : il concerne des centaines d’enfants québécois adoptés en France entre 1966 et 1972, période durant laquelle les établissements de prise en charge des enfants abandonnés de Québec et de Montréal prospectaient à l’étranger (États-Unis, Belgique, France).

« D’une visée humanitaire, l’adoption devient une solution pour des couples en mal d’enfant »

L’adoption internationale est encouragée par les congrégations religieuses qui gèrent des orphelinats dans le tiers-monde. Elle est alors considérée comme un acte de solidarité, rejoignant les préoccupations du secteur humanitaire naissant. Mais elle prend vraiment son essor dans les années 1970, au moment où le nombre d’enfants français adoptables diminue.

« D’une visée humanitaire, permettant de sauver définitivement un enfant de la guerre ou d’une catastrophe, l’adoption devient également une solution pour des couples en mal d’enfant », note l’historien. 

Dans les années 1980, le mouvement s’amplifie, notamment depuis l’Asie et l’Amérique latine. Suivront les pays d’Europe de l’Est et d’Afrique dans les années 1990. Les pays musulmans ne figurent pas parmi les pays sources de l’adoption, l’islam ne reconnaissant pas ce type de filiation.

Aujourd’hui, l’adoption dans le pays d’origine est encouragée

Yves Dénéchère n’élude pas les difficultés et les dérives de certaines procédures. Il rapporte par exemple l’histoire de cet enfant reconduit dans son pays d’origine, dès son arrivée à l’aéroport, faute de convenir à sa famille adoptive, les trafics organisés par des intermédiaires malhonnêtes ou encore les manœuvres de certains pays sources, qui ouvrent et ferment les vannes de l’adoption pour des raisons politiques. 

Mais son livre fourmille aussi d’histoires personnelles émouvantes, comme celle des époux Alingrin, qui ont adopté 17 enfants handicapés à la fin des années 1960 et œuvré pour offrir une famille à 200 enfants malades ou blessés de 21 pays différents.

Depuis la convention de La Haye, ratifiée par la France en 1998, l’adoption internationale est entrée dans une phase de régulation. Elle tend à diminuer au profit de l’adoption dans le pays d’origine, fortement encouragée. « Cette histoire reste à écrire, car la grande génération d’adoptés devient adulte, indique Yves Denéchère. Ils commencent à témoigner et devenir de plus en plus visibles. »

(1) Dans Des enfants venus de loin (Armand Colin, 408 p., 23,90 €), Yves Denéchère met en valeur des archives inédites (publiques et privées, ministérielles et associatives), ainsi que des témoignages d’adoptés et d’adoptants. Il propose aussi un certain nombre de sources audiovisuelles.

FLORENCE PAGNEUX

 

http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/France/L-histoire-meconnue-de-l-adoption-internationale-en-France-_NP_-2011-05-09-613983

 
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