ADOPTION INTERNATIONALE ET CORESILIENCE:
« Qui ne se ressemble pas du tout s’assemble
très très bien »
Article écrit en octobre 2007, paru dans : « Familles, explosion ou révolution ? », collectif d’écrivains sous
la direction de Joyce Aïn, préface de Serge Tisseron, Editions ERES, 2008.
D’un
côté, nous avons des parents en cours d’agrément qui se représentent
souvent l’adoption internationale comme un conte de
fées où un couple uni et amoureux crée dans l’enthousiasme une
famille multicolore et soudée. Et une majorité de familles heureuses,
dont on sait que le bonheur n’a pas
d’histoire.
D’un autre côté nous avons des drames familiaux, de lourdes problématiques de traumas infantiles et de troubles de
l’attachement non résolus.
Et aussi de noirs corbeaux annonciateurs de sombres nouvelles, qui véhiculent avec inconscience ou jouissance d’archaïques
préjugés :
- «… ils seraient mieux dans leur pays,
- d’accord
pour les asiatiques mais pas pour les noirs,
- c’est du
pillage, il vaut mieux aider ces femmes à élever leurs enfants sur place,
- il ne
faut pas couper un enfant de ses racines,
- les
traumatismes du début ne guériront jamais,
- vous ne
savez pas quelle tare génétique va surgir à l’adolescence, … »
Et encore des parents adoptants qui maltraitent les enfants qui leur ont été confiés : violences, rejet, humiliations,
voire inceste.
Et des dépressions post-adoption qui touchent tant de parents adoptants (plus de 70%) qui peuvent parfois durer des mois et
dont personne ne parle, à commencer par eux.
Heureusement, le réel est complexe. Le merveilleux cohabite avec le drame, le préjugé avec l’élan du cœur, la belle histoire
avec les difficultés quotidiennes.
Et, surtout, personne ne peut préjuger de « ce qui est bon » pour le
devenir d’un enfant. Tout au plus pouvons nous savoir ce qui est à
exclure.
J’ai
autant de mal à entendre des responsables de l’adoption internationale
se permettre de dire « évidemment ils
seraient mieux dans leur pays », que des bien-pensants nous dire
« ils en ont de la chance que vous les ayez tirés de là-bas ». Il est
apparemment très dur de sortir du mythe des
parents sauveurs, ou de celui, à l’ opposé, de l’enfant arraché à
ses racines. Mais le fait même que des représentations aussi éloignées
les unes des autres coexistent me semble
rassurant.
Qui sait ?
Ce
qui est certain c’est qu’ils viennent de « là-bas », leur pays
d’origine, de l’ailleurs donc. Qu’il nous faut
accueillir et aimer, pas forcément « intégrer », même si l’on nous
dit que l’intégration de l’enfant est prioritaire. Encore un de ces mots
ambigus qui font rage dans le contexte de
l’adoption internationale comme dans celui de l’immigration.
Si intégrer veut dire trouver une place créative dans notre monde, d’accord.
Mais souvent ce terme sous-entend de transformer l’autre en même, en bons cannibales que nous sommes au fond
restés.
Des limites à respecter ?
L’adoption
internationale est un thème qui touche facilement aux valeurs, aux
préjugés, et à ces franges évolutives et encore non
totalement intégrées de notre société, par exemple le mariage
homosexuel, ou la parentalité d’une femme ou d’un homme célibataires.
Ces zones frontières, où les ombres et les lumières se
mélangent plus qu’ailleurs, sont à la fois source d’avancées
créatives dans le domaine resté longtemps figé de la famille, mais aussi
de débats sanglants. Nous risquons de toucher à
l’intouchable, aux tabous, très forts en ce qui concerne le lien
parents-enfants dans son double aspect de filiation et d’affiliation, et
la définition de la famille. A la croisée de la filiation
nommée par la loi et du processus complexe d’affiliation qui me fait
sentir l’appartenance à une famille, que penser par exemple du fait que
dans le livret de famille en France, un enfant adopté
est déclaré « né de » ses parents adoptifs, sans que soit mentionnée
son adoption ? En dehors de l’aspect tragi-comique (un enfant noir né
de deux parents blancs), ces petits
symboles de la complexité de la situation, il y en a de nombreux,
nous interrogent régulièrement.
Mon
expérience de mère adoptante m’a suffisamment marquée pour que je
veuille partager aujourd’hui cette aventure, en tant que
mère adoptante, en tant que psychothérapeute, et aussi en tant que
militante, car je crois à l’avenir d’une humanité multicolore et ouverte
sur la différence. Voilà pour la part de
l’Idéal.
Dans
les faits, la différence est toujours choquante, en particulier sur le
plan organique. Récemment dans mon entourage, une
enseignante s’est effondrée en larmes au milieu de sa classe quand
on lui a demandé d’accueillir une adolescente très lourdement handicapée
au point d’en être défigurée. Elle n’a pas supporté la
vision de cette adolescente, et malgré sa bonne volonté et son
humanisme indéniable, n’a pas pu franchir l’obstacle, même et surtout
devant l’adolescente en question. Cette enseignante doit
actuellement se débattre dans les affres de la culpabilité, prise en
tenailles entre son idéal humaniste, ses sentiments altruistes, et son
corps, ses émotions, peut-être aussi son inconscient,
qui ont dit non, cela m’est insupportable.
C’est
pourquoi il est si important de tenir compte de nos limites, ce qui
sous-entend d’abord de les connaître, quand on se lance
dans cette aventure bouleversante. L’enfant noir incarne souvent
cette limite individuelle ou familiale, à travers par exemple un
interdit grand parental impossible à transgresser, mais il est
loin d’être le seul. Différentes ethnies peuvent provoquer ce
sentiment de rejet organique, y compris bien sûr la notre, y compris
chez des parents de même origine ; c’est pourquoi certains
parents adoptants blancs ne peuvent adopter d’enfant européen, le
rejet du même étant trop fort ! Evidemment, ce n’est qu’une toute petite
minorité, mais très signifiante. Quand il ne s’agit
pas de « racisme organique », les limites les plus fréquentes sont
les handicaps, où certaines maladies, comme le syndrome de l’alcoolisme
fœtal ou le sida ; parfois même des
maladies aussi bénignes, en tout cas je les ressens comme telles,
que la gale provoquent des réactions de panique et de rejet chez
certains parents ; ou encore des facteurs psychosociaux
comme l’âge de l’enfant, ou le fait que les parents biologiques
soient encore identifiables et donc joignables dans le futur.
Toutes
ces limites peuvent être mal jugées de l’extérieur, y compris par les
professionnels. Il n’en reste pas moins qu’elles
existent, plus ou moins loin. Notre corps, notre monde psychique,
nos représentations, sont plus ou moins plastiques, plus ou moins aptes à
accepter véritablement et ensemble la différence de
l’enfant. Et bien sûr elles ne sont pas forcément identiques à
l’intérieur du couple adoptant. Il nous faut alors tenir compte de la
limite la plus basse.
Lors
de mon premier processus d’adoption, alors que notre dossier suivait
tranquillement son cours et que nous savions avoir
environ deux ans d’attente devant nous, un responsable de
l’organisme par lequel nous passions me téléphone un matin pour me
proposer d’adopter une petite fille handicapée en me disant :
« comme ça vous aurez votre bébé dans deux mois ». Nous présentions
un profil social et psychologique qui avait poussé ce responsable à
transgresser les indications de notre agrément
qui indiquait clairement que nous ne nous sentions pas prêts, pour
une première adoption et une première expérience de parentalité, à
accepter un enfant handicapé. Dire non a été une expérience
très douloureuse, j’en ai pleuré, et fait des cauchemars, pendant
plusieurs jours ; j’y repense encore de temps en temps. C’est mon mari
qui s’est chargé de porter le « non ». Je
ne suis pas sûre que seule j’en aurais eu le courage. Il m’est
d’ailleurs encore difficile de partager cette expérience, alors même que
je le croie utile.
Je
crois pourtant que tous les enfants ont besoin d’une famille pour
pouvoir grandir et s’épanouir ; à commencer par les
enfants français, ceux qui passent des années dans des structures
collectives, ou changent des dizaines de fois de famille d’accueil,
victimes d’obscures paperasseries, de lois désuètes,
véhiculées par d’anonymes acteurs institutionnels.
L’adoption
internationale permet de réfléchir à l’hégémonie encore actuelle de la
loi du sang et à toutes ses conséquences
psychosociales, dont le racisme, mais aussi la situation de la
protection de l’enfance en France. Les échecs parfois terribles de ce
secteur sont
trop souvent liés à cette théorie, profondément idéologique malgré son
évidence apparente, qui encourage à maintenir à n’importe quel prix le
lien enfants - parents de
sang, sans aucune réflexion en profondeur centrée sur l’enfant, où
plutôt dans une réflexion ne tenant pas encore compte des avancées les
plus récentes dans le domaine de la psychothérapie
appliquée à la famille et à l’enfant. Nous retrouvons d’ailleurs
cette théorie autrement présentée dans les débats actuels sur
l’amendement ADN, qui manifeste une idéologie familiale à l’opposé
de celle que représente l’adoption internationale, quels que soient
les arguments favorables qui puissent être entendables dans une vision
complexe de cette question. Ces supports idéologiques
étayent aussi souvent la peur des professionnels du terrain de
provoquer ou d’annoncer une séparation familiale ; une peur très
compréhensible, qui, comme ils sont nombreux à le dire,
pourrait être vraiment soulagée si ces professionnels, ainsi que les
familles d’accueil, bénéficiaient de l’appui de personnes ressources
capables de les entendre et de les aider à réguler leurs
émotions, ainsi que de lieux et temps de partage.
Et
au bout du compte ces enfants ne sont pas ou plus adoptables, même par
les familles d’accueil où ils se sont parfois enfin
reconstruits. De ce côté-là, l’adoption internationale est
clairement en avance, en montrant qu’il est possible pour des parents,
le plus souvent pour une mère, de mettre au monde un bébé sans
pour autant avoir la capacité ou le soutien social et familial pour
s’en occuper, à plus ou moins brève échéance après l’accouchement.
Elle
montre et démontre que mettre un enfant au monde dépasse de loin la
conception, la grossesse et la naissance. Et le processus
de l’agrément, qui oblige les personnes concernées à une authentique
réflexion sur la parentalité, montre que celle-ci ne s’improvise pas,
n’est pas uniquement instinctive ni naturelle, ni même
une histoire de sentiments, mais nécessite des compétences qui se
doivent d’être développées soit de manière intrafamiliale, soit
autrement.
Ce processus de l’agrément doit entre autres servir à définir ses limites, ce qui revient aussi à déloger le complexe du parent
sauveur, et ainsi de lutter contre une des causes des échecs d’adoption.
Ainsi,
soit parce que la procédure pour adopter les enfants nés en France est
trop longue et complexe, soit par choix délibéré dès
le départ, pour des raisons et surtout avec un sens souvent
uniquement accessibles par l’intermédiaire d’une psychothérapie ou d’une
analyse, des parents partent chercher très loin ce qui leur
était impossible à vivre dans la proximité. L’adoption
internationale permet d’apparier ces enfants et ces parents qui s’attendent mutuellement à
tous les coins du monde.
Des échecs à comprendre
L’adoption
internationale, c’est près de 4000 enfants de toutes les couleurs et de
quatre continents sur cinq qui sont arrivés en
France en 2006. Cela peut paraître beaucoup, sauf si on le rapproche
des 800000 naissances qui ont eu lieu en France la même année. C’est
donc un épiphénomène qui concerne 0,5% (ou 5 pour 1000)
des bébés qui arrivent dans notre pays chaque année. Ce phénomène de
marge, de frange, bénéficie ou supporte une surmédiatisation, ainsi
qu’une surexposition sociale - un enfant noir dans un
village alsacien apparaît distinctement comme « autre » - dont les
avantages et les inconvénients restent à étudier en profondeur. Au moins
dire que le phénomène existe, et qu’il est
complexe. Mais, encore une fois, nous savons aussi que c’est
beaucoup par la marge qu’une société évolue et remet en question ses
fondements culturels.
Par ailleurs, quelques dizaines de milliers de couples attendent à l’heure actuelle de pouvoir adopter un enfant.
Les
adoptions de pupilles de l’état sont à peu près de l’ordre du millier
pour des dizaines de milliers d’enfants placés et suivis
par l’ASE, ce qui montre l’état des lieux dans notre pays.
C’est
2% de ces enfants dont l’adoption échoue nous dit-on. Un chiffre qui ne
veut pas dire grand-chose. Juste que dans deux pour
cent des cas, la souffrance familiale devient tellement grande qu’il
faut envisager de replacer l’enfant dans un foyer ou une famille
d’accueil avec le risque immense, bien sûr, de continuer à
façonner un être humain traumatisé à vie, et donc potentiellement
asocial, ou antisocial. Deux facteurs apparaîtraient de manière
récurrente dans ces échecs officiels : les motivations
humanitaires du projet parental, et l’échec d’apparentement, le
mauvais enfant pour les mauvais parents.
Aucune
réponse simple n’apparaît. Aucun sauveur possible. La seule piste
paraît être une fois de plus dans la solidarité,
familiale et sociale, autour de l’enfant. Car le manque de soutien,
l’isolement, l’absence d’interlocuteur sensible et compétent, reste une
constante dans ces situations dramatiques. Mais
d’autres situations de familles adoptantes peuvent être
problématiques. C’est le cas par exemple d’enfants uniques couvés ou
vampirisés, avant de devenir à leur tour des tyrans affectifs. Ou
encore celui d’enfants envahis par le débordement émotionnel de
parents dont le projet est devenu obsessionnel.
Mais
un des échecs de l’adoption internationale, même si il peut paraître
rassurant, peut être aussi que l’on retrouve dans ces
familles les disfonctionnements quotidiens de nombreuses familles
non adoptantes. Un échec, pas parce que les parents adoptants sont
supérieurs, mais parce que bien souvent ils ont eu le temps,
voire même le devoir de réfléchir sur ce que signifie fonder une
famille, avoir des enfants, transformer un couple amoureux en couple qui
intègre la parentalité ; et qu’ils ont pu être
accompagnés dans ce processus de croissance dans le cadre de la
procédure d’agrément. Ils ont eu le temps de mûrir.
Face
à la médiatisation et au poids de culpabilité qui pèsent sur ces
familles adoptantes dites en situation d’échec, il est
important de rappeler que l’adoption est un mode de filiation parmi
d’autres, même si il est affectivement et symboliquement très investi.
Et combien de parents de sang sont-ils en échec avec
leur enfant ? Combien d’enfants biologiques ne sont pas adoptés par
leurs parents d’origine tout en continuant à être sous leur tutelle ?
Il
nous faudra peut-être un jour admettre la notion de parentalité
partielle dont parle Maurice Berger : chaque parent ne
détient pas l’ensemble des compétences parentales ; et celle de
parentalité multiple : plusieurs parents peuvent intervenir dans la vie
d’un enfant, simultanément ou à différents
moments de sa vie, comme le montrent d’ailleurs certaines familles
recomposées, certaines familles homosexuels, et par le fait, les
familles adoptantes. C’est un grand bond paradigmatique à faire
pour un pays où l’enfant est encore trop souvent vécu comme une
possession familiale, un pays où le triangle oedipien impossible à
ouvrir régit encore beaucoup trop la manière de raisonner des
parents et des professionnels.
Pouvons-nous accepter que mettre au monde un enfant, ce n’est pas seulement lui donner un corps ?
Certains
enfants adoptés n’ont vécu « que » l’abandon de leur naissance et ont
ensuite pu être convenablement accueillis
par une nourrice en attendant leur adoption. C’est le cas par
exemple d’enfants d’Amérique Latine ou d’Asie, et même d’Afrique noire.
La rupture des liens reste, mais assez convenablement
accompagnée, comme un passage d’un monde à l’autre, puis à un
troisième qu’il faut espérer dernier. Certains parents d’origine
rencontrent les parents adoptants, transmettent des photos, des
courriers. Dans un pays comme le Quebec moins sur la défensive que
nous dans ces domaines, des liens perdurent, non imposés à l’enfant,
mais à sa disposition quand il en fait la demande. Combien
d’enfants non abandonnés en France pourraient rêver de ce contexte ?
Enfin,
certains articles sensationnalistes, parfois dans des journaux
paraissant très sérieux par ailleurs, font état de 10 à 20 %
d’échecs, où nous rebattent les oreilles avec les trafics d’enfants.
Disons-le clairement, ces trafics sont tout à fait marginaux dans le
cadre de l’adoption internationale telle qu’elle est
aujourd’hui pratiquée dans un pays comme la France, même si la
vigilance reste indispensable.
Des théories qui peuvent aider
Les
théories, une fois qu’elles sont popularisées, modifient petit à petit
les comportements individuels et institutionnels. Ce
fut le cas de la psychanalyse sous ses différentes formes
évolutives. Mais d’autres idées prennent le relais, et il est dommage
d’opposer les nouvelles aux anciennes, dans ce qui semble être un
éternel conflit de générations intellectuel. La théorie de
l’attachement et celle de la résilience font partie de ces dernières
nées qui se révèlent non seulement fécondes mais
indispensables à ceux qui agissent dans le champ de l’adoption.
L’attachement peut
se définir comme la sécurité profonde intériorisée par l’enfant dans
ses
relations précoces, donc profondément organiques, avec sa mère, ses
parents, son entourage proche. Pour cela, il faut que ces différentes
figures d’attachement montrent une continuité et une
fiabilité dans la capacité à répondre de manière sensible aux
différentes détresses et aux différents besoins exprimés par l’enfant.
Cette qualité d’attachement est proportionnelle à la future
estime de soi du sujet, à sa capacité exploratoire des mondes
extérieur et intérieur, à ses aptitudes relationnelles en particulier en
situation de conflit.
Comme c’est une théorie potentiellement très prédictive, il est indispensable de la coupler avec celle de la
résilience, qui nous parle des capacités de l’individu à digérer les traumas et à repartir sur de nouvelles bases, souvent plus riches
et créatives.
La résilience permet d’envisager le remaniement possible et permanent de la qualité d’attachement tout au long de la vie, du
berceau à la tombe comme le disait John Bolby. Elle
peut se voir comme la capacité fondamentale qu’a la vie de se saisir de
toute opportunité qui lui
permet de s’épanouir et de se développer, pour peu qu’on la laisse
faire. Pour cela, il faut revenir non seulement à l’enfant historique,
celui que l’on a été, mais surtout à l’enfant intérieur,
la graine d’où peut renaître un nouvel arbre. Et ceci est
particulièrement valable pour les enfants adoptés, mais aussi pour leurs
parents qui ne peuvent pas, selon moi, faire l’économie d’aller
voir qu’est-ce que leurs enfants intérieurs, historique et
symbolique, ont à dire.
Accepter de repenser la famille ?
L’adoption internationale nous interroge sur des thèmes puissants et majeurs dans la construction du Sujet :
- la
question
des racines et son lien avec l’identité ; la question des origines,
de l’origine ; et est-ce qu’origine(s) et racines veulent dire la même
chose ?
- la
question
du même et du différent dans la création du lien familial, et donc
la question de ce qu’est une famille ; filiation et affiliation, dans
quoi s’inscrivent-elles ?
- la
question
d’un trauma de naissance, ici a minima l’abandon par les parents
biologiques, dans la construction de l’identité, voire utilisé comme
support identitaire à certains moments clés comme
l’adolescence. Comment ne pas en rajouter en focalisant sur ce
trauma, le transformant en traumatisme? Le tout sans nier l’abandon, et
le passé de notre enfant.
- La question
de la parentalité, voire de la fécondité, quand elle ne prend pas naissance dans le biologique.
Et bien d’autres.
C’est
ici qu’interviennent la créativité, la maturité affective et la
motivation que l’on peut entendre en écoutant beaucoup de
familles adoptantes. Vivre cette aventure, en particulier dans
d’autres pays, les a obligées à traverser bien des écueils et des
tabous, et à devenir, la plupart du temps, des exemples de ce que
j’appellerai la corésilience, à savoir la capacité d’être des
espaces de transformation des souffrances de chacun, parents et enfants,
en force de vie et en créativité. Cette idée nous permettra
je l’espère de couper définitivement la tête aux motivations
humanitaires de l’adoption internationale, et au complexe du sauveur,
qui est avant tout un bon système de défense pour oublier
l’enfant abandonné à l’intérieur de soi. Je me souviens d’une mère
adoptante dans un pays lointain où je venais de rencontrer mes enfants.
Le contexte de l’adoption internationale est toujours
bouleversant. Certains lieux peuvent même être authentiquement
traumatisants. Cette mère
était avec son
fils, marquée par le contexte dans lequel elle l’avait recueilli,
recueilli, comme un fruit remonté dans l’arbre pour reprendre sa
croissance. Sous le coup de l’émotion elle me dit, « au
moins un de sauvé » ; devant mon silence elle rajouta, gênée devant
ce qu’elle entendait peut-être comme un jugement, « et je me suis sauvée
par la même
occasion ».
Pourrions-nous à travers cette expérience particulière qu’est l’adoption internationale accepter de repenser la famille, comme
cela a été fait de multiples fois dans l’histoire des hommes ?
Elle
nous oblige ou nous propose de sortir d’une vision hiérarchique figée
des relations familiales. Les parents ne sont pas les
sauveurs de leur enfant, et l’enfant n’est pas le sauveur d’un
couple stérile ou d’un célibataire incapable de s’apparier pour
procréer. L’adoption internationale est une offre de résilience,
donc de transformation en créativité de vécus traumatiques, et pour
les parents, et pour les enfants.
Je
constate aussi souvent en parallèle ce que je nommerai la coconstruction
du lien familial dans les familles adoptantes. Je
préfère de beaucoup cette expression à celle de démocratie
familiale, car cette coconstruction s’inscrit dans des liens qui
respectent l’asymétrie de la relation parent-enfant, la dépendance de
celui-ci, et son besoin de nourriture, de protection, et
d’autorité ; ainsi que la responsabilité des parents en tant que
porteurs d’expérience et du pouvoir décisionnel. Mais elle pose que
malgré cette asymétrie, une famille est un ensemble vivant de
personnes clairement identifiées dans leur différence et capables de
s’impliquer, dès le plus jeune âge, dans l’harmonie de
l’ensemble.
Il existe en effet dans ces familles :
- moins
de hierarchie
évidente, moins d’emprise possible du parent sur l’enfant car le
lien n’est pas basé sur le sang; et l’enfant a déjà un passé, une
histoire, il existe déjà en tant que sujet, il n’est pas
le bébé façonnable, malléable, chair de ma chair et support possible
de toutes les projections et identifications. Tout petit qu’il soit, il
pose déjà une limite au parent : « il faut
que tu acceptes que j’existais avant nous, que j’ai déjà mes images
du monde, mes sensations, mes émotions, mon histoire, qui ne sont pas
réductibles à notre histoire ».
- plus
de parité
entre l’homme et la femme, moins de différentiation des rôles
puisque la grossesse n’a pas lieu, remplacée par une attente commune aux
deux parents, une couvaison partagée, souvent beaucoup plus
longue que neuf mois.
- plus
de
conscience de la fragilité et de la richesse d’une véritable
relation d’attachement. Et l’on peut y noter souvent l’implication très
sensible des enfants pour la réussite de leur nouvelle vie. Ma
fille de quatre ans disait à notre médecin, « nous allons adopter un
petit frère et une petite sœur », ce qui l’a fait beaucoup rire et
remarquer « on sent qu’elle est impliquée
dans la famille ».
Mais
la coconstruction familiale nous dit aussi que le lien de dépendance,
inhérent à la condition d’enfant, doit évoluer, en
s’appuyant sur la sécurité de chaque étape, vers une relation
d’égalité et de parité, et non vers une dépendance accrue à l’âge adulte
qui se transforme, quand les parents sont assez âgés, en une
dépendance inversée, parfois source de revanches et de vengeance.
L’adoption
internationale repose à mon avis sur un choix, pas sur une contrainte.
La famille est encore souvent associée à la
notion de « contraintes familiales ». Comme l’étymologie du mot
« travail » nous parle de souffrance, voire de torture, celle de
« famille » nous parle de liens de
servitude et de pouvoir patriarcal. L’adoption internationale est
donc un phénomène de société, qui, sans trop de bruit, modifie
profondément les représentations familiales et sociales dans notre
pays. Elle fait partie des expériences qui permettent d’ouvrir ce
système clos qu’est la famille. Elle propose une manière d’être ensemble
à l’opposé de la représentation classique de la famille,
lieu naturel de reproduction de l’identique. L’adoption
internationale nous montre une différence visible et très repérable
socialement et familialement. Et le respect de cette différence est un
objectif à mener en parallèle avec l’intégration et l’adaptation.
Les enfants adoptés, quand ils ne sont pas atteints de graves troubles
de l’attachement, s’intègrent et s’adaptent très
bien ; ils ont un instinct de survie bien supérieur au notre. Le
défi est dans la capacité de recréation d’un lien d’attachement fort
après les trahisons successives qu’ils peuvent avoir
vécu dans leurs relations avec les adultes.
Soutenir les familles adoptantes
Des parents abandonnés ?
Le
soutien à la parentalité est difficile et impliquant pour le
professionnel car notre propre enfant intérieur réagit quand nous
accompagnons les défaillances parentales. C’est une mise à l’épreuve
majeure du non jugement et de l’empathie ; le soutien à la parentalité
met par ailleurs en évidence la nécessité de lieux
de supervision et de régulation pour les professionnels.
Il est important de redire que la parentalité n’est pas innée chez les parents biologiques comme chez les parents
adoptants.
En
termes spécifiques les parents adoptants sont plus âgés, et de plus en
plus souvent, ont déjà eu des enfants biologiques ;
ils ont la plupart du temps des histoires personnelles parsemées
d’abandons et de non transmission des compétences parentales de façon
intrafamiliale ; ou peut-être en ont-ils surtout plus
conscience, ayant eu l’occasion de retrouver les traces de leur
enfant intérieur et de ses souffrances pour mener à bien leur projet.
Etant donné leur âge, et leur assise matérielle, ils ne
bénéficient pas de l’équivalent du soutien prénatal et surtout
postnatal que famille et société occidentales offrent aux jeunes
parents. Aux alentours de 35-40 ans, voire dix ans de plus, les
familles d’origine ont eu le temps de se clairsemer et de
s’éloigner. Les grands-parents sont souvent très âgés et malgré leur
éventuelle bonne volonté n’ont plus l’énergie pour aller chercher
les enfants à l’école, s’occuper des activités périscolaires ou
accueillir leurs petits-enfants le temps d’un week-end ou de vacances,
permettant ainsi au couple de souffler. Souvent même ils
sont à leur tour à un âge où les problématiques de santé nécessitent
le soutien de leurs enfants, qui se retrouvent ainsi responsabilisés
sur deux fronts à la fois. A cela, rajoutons la
contrainte que s’imposent de nombreux parents adoptants de maintenir
à tout prix un « faux self » de parents comblés, syndrome que les
parents biologiques ont eu également mais qui a
largement disparu avec la notion de « baby blues », de plus en plus
fréquemment admise. La dépression post adoption, qui peut toucher les
deux parents simultanément, n’est pas
strictement réductible à la dépression post-partum et elle est très
peu prise en compte, bien que touchant de nombreux parents adoptants.
Les
parents adoptants ont donc besoin de définir de quel soutien :
pratique, matériel, affectif, relationnel, associatif,
psychologique, ils ont besoin. Ils peuvent avoir du mal à demander
de l’aide car ils s’imaginent souvent avoir un devoir d’exemplarité, et
doivent d’ailleurs entendre des réflexions variées sur
le thème de « tu l’as voulu, tu l’as eu ». D’autre part la
surexposition dont ils sont l’objet peut créer une tentation
réactionnelle de repli. Enfin, ils doivent pouvoir trouver des
interlocuteurs dans un contexte qui puisse exclure tout risque de
jugement, donc souvent différent de celui qui les a accompagné lors de
l’agrément, ou lors du processus d’adoption avec un
OAA quand ils ont choisi cet intermédiaire.
Ils pourront alors peut-être faire face aux défis des parents adoptants.
Citons-en quelques-uns :
- Accepter
que le
« coup de foudre » n’est pas lieu avec l’enfant, voire même qu’il y
ait des sentiments difficiles de rejet ou de dégoût, pour pouvoir
démarrer un vrai processus d’attachement dans la
durée.
« Sophie,
42 ans, a ressenti du dégoût quand elle a pris dans ses bras sa petite
fille de 18 mois adoptée en Ethiopie.
Bien sûr elle n’en n’a parlé à personne, même pas à son mari. Elle
décrit des scènes où elle laisse sa fille pleurer dans une pièce alors
qu’elle-même s’enferme dans une autre pour lire, un
casque sur les oreilles pour écouter de la musique et non les pleurs
de l’enfant. C’est dans le cadre de sa psychothérapie qu’elle pourra
affronter ces ressentis interdits, et entrer petit à
petit, très soutenue par son mari, dans un processus d’attachement
qui prendra deux ans avant d’être bien en place. Elle a eu entre autres à
dialoguer avec sa propre mère, et à découvrir que
celle-ci avait eu beaucoup de mal à créer un contact organique avec
son enfant et avait en particulier refusé de la toucher avant son
premier bain, ainsi que de l’allaiter. Maintenant, sa petite
fille de 4 ans, c’est « le soleil de sa vie », et elle envisage
sereinement de lui donner un petit frère ou une petite sœur. »
- Redéfinir les rôles
du père et de la mère : l’adoption internationale est un laboratoire pour la parité des sexes.
« Raoul
et Delphine ont adopté une fratrie de deux enfants en provenance
d’Haïti. C’est Raoul qui a pris le congé
d’adoption, qui a été chercher les enfants sur place, qui change les
couches et gère le quotidien pendant que Delphine travaille. A la fin
du congé d’adoption, Delphine prendra un congé parental
dans son entreprise pour prendre le relais et materner à son
tour. Ils ont noté que cette interchangeabilité des rôles, contrairement
à une crainte répandue qu’ils avaient aussi eux-mêmes,
n’a en aucune manière affectée leur identification en tant que
« papa » et « maman », tant le lien d’attachement et le style
d’intersubjectivité qu’ils ont créés avec leurs
enfants est différent. »
- Se sortir
définitivement de la tête qu’ils ont sauvé un enfant.
« Micheline
a adopté toute seule un garçon en provenance d’Amérique du Sud. Quand
il traverse des phases d’opposition,
son leitmotiv est : « quand je pense d’où je l’ai sorti, avec tout
ce que j’ai fait pour lui, c’est insupportable qu’il me traite comme
cela ». Je n’ai pas d’indications sur la
manière dont cette relation va évoluer. Ces phrases, difficiles à
entendre, marquent-elles le stress, le sentiment de solitude,
seront-elles sans conséquences, ou nomment-elles une problématique
qui va durablement affecter la relation, en particulier à
l’adolescence ».
- Travailler leur
histoire et leur problématique, c’est l’idéal.
« C’est
au cours d’un travail de psychothérapie commencé deux ans après
l’adoption de son fils que Sarah a pu assumer la
série d’abandons qui a marqué sa famille le long de plusieurs
générations. Aussi bizarre que cela puisse paraître, mais cela est très
fréquent, elle n’avait pas fait le lien en amont, pendant le
processus d’agrément. Ce travail a permis de dégager fortement la
relation mère-fils d’un excès de projections, paradoxalement en assumant
le fait qu’il y ait une part de réparation dans cette
adoption, un exemple de corésilience. »
Des enfants adoptants ?
Une
des caractéristiques notable des enfants adoptés, quand ils ne
souffrent pas de graves troubles de l’attachement ou de
syndromes post-traumatiques importants, est leur implication dans la
création du lien d’attachement. Quel que soit leur âge au moment de
l’adoption, ils en ont marre, ils veulent passer à autre
chose, ils veulent une famille. Et ce qui paraît évident pour un
enfant « biologique » qui naît dans une famille à peu près aimante, eux
ils savent que ça ne l’est pas ; ils ont
appris qu’ils devraient se battre pour l’avoir. Et ils sont prêts la
plupart du temps à mettre la main à la pâte, plein de bonne volonté
pour essayer malgré tout, d’adopter leurs parents, et
d’oser faire à nouveau confiance au monde des adultes.
Ils ont donc avant tout besoin de continuité et de fiabilité. De parents qui sont LA, pas parfais, mais là, congruents, supports
de construction, d’attachement, d’imaginaire.
Faisons
confiance à l’enfant, il connaît ses besoins. Quand j’ai adopté ma
fille aînée mes compétences parentales se réduisaient à
zéro. En vingt ans, j’avais du tenir deux fois un bébé dans mes
bras, en ayant peur de le casser ! L’idée même de changer une couche me
paraissait totalement incongrue, et pour tout dire
assez dégoûtante. Mais ma fille avait décidé d’avoir une maman, si
possible efficace tant qu’à faire. J’ai donc obtempéré du jour au
lendemain. Toutes les compétences de « caregiving »
que j’avais acquises par ailleurs, et la détermination de ma fille,
avaient fait de moi une mère, à ma grande surprise.
Se laisser utiliser, sans se laisser manipuler, est une des facettes de l’art d’être parent.
Les troubles de l’attachement
Toute manifestation émotionnelle, même forte, de l’enfant n’est pas un trouble de l’attachement !
Le
rationalisme culturel qui nous caractérise en France nous rend difficile
d’accepter qu’un jeune enfant « ça » bouge
(sans hyperactivité), « ça » pleure, « ça » crie, fait des caprices,
cherche les limites, se met en colère, et que le plus dangereux, c’est
un enfant trop sage, qui a trop tôt
appris à se taire et à se soumettre, jusqu’à l’explosion prévisible.
Il
est donc important de différencier, avant de paniquer, les différents
états émotionnels de l’enfant avant de parler de troubles
ou de pathologie :
- la vidange émotionnelle :
exprimer ses émotions difficiles est un besoin et heureusement une
capacité naturelle du jeune enfant ; les exprimer chaque
jour permet d’éviter qu’elles ne s’accumulent et deviennent
toxiques, telle une « constipation psychique ». C’est pourquoi je me
permets cette expression imagée de vidange pour décrire
ce phénomène.
- la régression :
l’enfant vérifie, à chaque changement externe ou interne, que tout est
bien solide dans ses apprentissages précédents, et aussi que la
figure d’attachement est toujours disponible à ses besoins
primaires. Si il y a changement familial, adoption, familles
recomposées, séparation, la régression est alors beaucoup plus un
processus
de création d’un nouveau lien d’attachement. En fait, comme dans un
nouvel amour, il faut tout reprendre à zéro, et pas à l’étape où l’on
s’est arrêté avec le précédent ...
Ce
sont deux comportements très sains ! Même si les adultes autour peuvent
les trouver pénibles voir insupportables, dans
leur incapacité à accepter, contenir et exprimer leurs propres
émotions. D’ailleurs il en va de même quand on parle de dépression chez
l’adulte. Il existe une telle chape de plomb sur la vie
émotionnelle dans notre culture, qu’il est facile d’imaginer la mer
d’émotions difficiles accumulées dans une demi-vie par un individu qui
vit une dépression vers 40 ans.
Mais il existe aussi des manifestations émotionnelles qui doivent nécessiter la mobilisation de la famille, voir de
professionnels :
- les troubles de l’attachement :
l’enfant ventouse, l’anxieux, incapable de se désagripper de sa mère,
toujours triste, ou manifestant des colères, plutôt des
rages, hors de proportion avec la situation apparente ; l’enfant
passoire, incapable de contenir ses émotions ; l’enfant évitant,
incapable de s’attacher à sa mère et prêt à suivre tout
étranger qui passe, parfois séducteur et surtout séduisant mais
absent à lui-même et à l’autre.
- les pathologies de l’attachement qui entraînent des violences contre soi et les autres, et qui peuvent se voir
très tôt dans les comportements agressifs ou au contraire les évitements de l’enfant envers ses parents.
L’attachement, une histoire de famille
Je
voudrais poser clairement ici que les troubles de l’attachement, même si
ils préexistent chez l’enfant adopté, sont aussi une
histoire qui concerne l’ensemble de la famille. Dans un contexte
particulier, une famille donnée, tel enfant, à un moment donné, va
pouvoir communiquer différemment ses besoins et résoudre ses
difficultés. Dans telle autre, non. Il ne s’agit pas ici de
culpabiliser les parents, mais de responsabiliser l’ensemble de la
famille, même si il existe toujours des cas extrêmes et des
situations particulières.
Posons-nous la question : quelle base de sécurité avons-nous pu construire nous-mêmes dans l’enfance et dans les différentes
opportunités de résilience qui ont suivi pour pouvoir explorer le monde, développer notre autonomie et notre affectivité, nos ressources internes
et nos ressources externes, nos compétences relationnelles et notre estime de soi, notre
empathie, notre capacité à prendre soin de nous et de l’autre, notre capacité à concrétiser nos projets.
Au
contraire, quelles parties de nous-mêmes avons-nous encore besoin de
faire porter à l’autre, soit par la dépendance, soit par
les systèmes de défense évoqués plus haut, voire par les passages à
l’acte violents ? Et donc quelles parties souffrantes de nous-mêmes vont
être réactivées par le contact avec un enfant
sensible, ayant lui-même à faire face à de multiples traumas ? C’est
cette conjonction qui risque d’être explosive et de conduire à des
échecs d’adoption, ou, ce qui n’est pas mieux, à des
huis clos non avoués bien plus pathogènes encore.
Pour ouvrir encore
La famille est un laboratoire expérimental qui influence toutes les relations sociales (le modèle patriarcal
par exemple s’est reproduit partout, la politique, l’entreprise, les
groupes, l’enseignement, et même la relation thérapeutique).
Considérer
que l’enfant est une personne, et non un support projectif, une
possession du couple, ou un objet d’emprise, de
séduction ou de violence, c’est par la suite considérer l’adulte de
même. Il est impossible d’avoir un positionnement irrespectueux de
l’enfant et un soi-disant rapport respectueux avec
l’adulte ; il ne sera pas respectueux mais basé sur la crainte.
Mais
cette personne qu’est l’enfant doit être aussi considérée dans
l’asymétrie des places et des fonctions qui est une manière
tout aussi importante de respecter l’enfant, contrairement à ce que
l’on a pu croire dans les années 70 et qui reste encore très actif dans
certains milieux.
En miroir avec l’adoption internationale, la famille peut être un lieu de corésilience et de coconstruction du lien
d’attachement et des relations intersubjectives. Les parents biologiques doivent eux aussi, ou non, adopter leur enfant.
En effet, chaque enfant est « un autre ».
Marie-José Sibille
Psychothérapeute, formatrice, et mère adoptante
http://sibille.marie-jose.over-blog.com/article-adoption-internationale-et-coresilence-42994494.html
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