La France n'envisage pas, par "sécurité juridique", la venue
d'enfants haïtiens sans un jugement d'adoption prononcé en Haïti, a
redit jeudi le Quai d'Orsay en réponse à l'exaspération des familles.
"Simon n'a
pas eu la force de nous attendre...". Ainsi démarre la lettre
ouverte envoyée à Nicolas Sarkozy, François Fillon, Bernard Kouchner et
Nadine Morano. "Nous sommes un couple qui était en cours d'adoption Haïti
au moment du séisme. Simon, l'enfant que nous attendions depuis 28
mois, vient de mourir par la faute des décisions de l'Etat français,
prises soi-disant au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant".
L'enfant, âgé de 3 ans, n'est pas mort des causes du séisme, dont il est
sorti indemne, mais d'une pneumonie mal soignée, apprend-on un peu plus
loin. "Depuis plus de deux mois maintenant, l'Etat français campe
sur ses positions, sans tenir compte de la réalité en Haïti", affirment les auteurs qui
signent "les parents de Simon". Ces parents adoptifs ont décidé
d'écrire aux plus hautes autorités au nom des 600 autres enfants
apparentés à des familles françaises qui attendent encore leur
autorisation de transfert vers la France, pour qu'ils ne leur arrivent
pas ce qui est arrivé à Simon.
En réponse à l'exaspération de cette famille et du
collectif de familles "SOS Haïti
enfants adoptés", qui ont engagé une procédure d'adoption avant le séisme, le Quai
d'Orsay a redit, jeudi, que la France n'envisage pas, par "sécurité
juridique", la venue d'enfants haïtiens sans un
jugement d'adoption prononcé en Haïti. Un accord cadre avec l'Etat haïtien
devrait "permettre l'évacuation de tous les enfants adoptés avant
le séisme. A situation exceptionnelle, solution exceptionnelle",
fait valoir ce collectif. Interrogé sur ce qui est souvent perçu comme
une trop grande rigidité française, le porte-parole du ministère des
Affaires étrangères, Bernard Valero, a redit la position de Paris : "Le
principe de sécurité juridique, ainsi que les règles de droit
international applicables en matière d'adoption,
nous empêchent d'envisager l'arrivée en France d'enfants pour lesquels
un jugement d'adoption n'aurait pas été
prononcé par la justice haïtienne".
"Ce serait prendre le risque intolérable d'exposer l'enfant à une
situation d'insécurité juridique préjudiciable à son intégration
durable", a ajouté Bernard Valero.
La France, rejoignant
les préoccupations de l'UNICEF, a souvent mis en avant sa volonté de
lutter contre les enlèvements d'enfants. Selon M. Valero, les autorités
haïtiennes "ont exprimé clairement leur refus de voir des
enfants dépourvus de jugement d'adoption
quitter leur territoire". Mais cette attitude ne signifie
nullement que les procédures d'adoption en
cours "soient suspendues sine die", a-t-il dit. Les autorités
ont déjà repris le traitement des dossiers, et la France est "en
contact constant avec les magistrats haïtiens",
a poursuivi M. Valero. La France, a-t-il rappelé, a accordé des crédits
pour le tribunal de première instance de Port-au-Prince qui traite
environ 90% des dossiers de demandes d'adoption
internationale. Bernard Valero a cependant admis que, même si une
récente mission d'experts français a constaté que "les crèches
disposaient de stocks d'eau et de nourriture", le "taux de
mortalité infantile reste dramatiquement élevé" en Haïti.
Par Alexandra Guillet
le 26 mars 2010 à 09:46
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