Où va la Russie ? |
20-09-2009 | |
Moscou à la recherche
d'une identité post-soviétique
‘’La Russie aura un
niveau d’armement tel que personne n’aura
D.
Medvedev
La
fin de la Guerre froide a précipité la chute du communisme
soviétique, tombé en 1991, dans les oubliettes libérales de
l’histoire. Dans le même temps, cette chute finale a été le
point de départ d’une renaissance de la Russie post-communiste,
après une phase de transition ‘’libérale’’, particulièrement
délicate - sous l’impulsion de B. Eltsine - qui l’a affaiblie et
aggravé, in fine, un
trouble identitaire. Aujourd’hui, la Russie de D. Medvedev a quasiment achevé sa reconstruction économique et politico-psychologique. Mais sa réémergence comme puissance internationale majeure n’est pas toujours acceptée, notamment par le leadership américain, qui a pris le contrôle de la destinée du monde depuis la lutte implacable contre la menace communiste - perçue comme ‘’l’axe du mal’’ - et, en cela, imposé son unilatéralisme dans la gouvernance mondiale. La lutte Est/Ouest aurait, en quelque sorte, légitimé l’hégémonie internationale de Washington, comme leader incontesté et messianique du monde libre. Par la suite, sous l’impulsion de l’idéologie néo-conservatrice expansionniste de G.W. Bush, elle a entrepris de réhabiliter le ‘’facteur force’’ comme régulateur géopolitique, en réarmant le bras de la justice internationale et en relançant, par ce biais, la course aux armements[ii]. Face à cette résurgence de l’impérialisme politico-militaire américain et se sentant menacée, Moscou a été contrainte de recentrer son système de défense sur l’arme nucléaire – pour se protéger d’une Otan de plus en plus agressive à sa proche périphérie comme l’a montré, en 1999, le scénario yougoslave avec l’attaque et la déstabilisation d’un Etat souverain. En violant allègrement la résolution 1224 du conseil de sécurité de l’ONU sur l’intégrité territoriale de la Serbie, l’Otan - sous la bienveillance de Washington - montre alors qu’elle est au dessus des lois internationales et que sa capacité d’intervention s’est élargie à l’ancien espace communiste. Et son élargissement programmé est susceptible d’accroitre les tensions avec la Russie, comme le reconnait D. Medvedev : ‘’L'OTAN devrait éviter d'aggraver les relations avec ses voisins. Avant d'admettre de nouveaux membres, il faut étudier les éventuelles conséquences d'une telle décision (…)’’[iii] Mais, le plus troublant est de voir, au cœur de l’espace post-soviétique, le maintien d’une forme de conflictualité latente américano-russe issue de la Guerre froide, dans la mesure où la Russie post-communiste reste l’adversaire stratégique privilégié de l’hyper-puissance américaine – et inversement.
Dans son essence, la lutte américano-russe
pour le leadership politique en Eurasie post-soviétique n’a pas
cessé avec l’arrivée d’Obama à la présidence américaine. Cela
est implicitement confirmé par Herman Pirchner, président du
Conseil américain de politique étrangère, qui reconnait
l’existence de tensions, liées au maintien de
barrières idéologiques et de pressions américaines sur la
politique russe dans les ex-républiques soviétiques. Le
9/09/2009, il admet notamment que
‘’les disputes sur les
destinées de l'espace post-soviétique entravent la coopération
sur plusieurs questions d'intérêt commun’’[iv].
Car désormais, Washington doit assumer ses nouvelles
responsabilités issues de son avancée en zone post-soviétique
permise, à l’origine, par le recul russe. Et cette configuration
explique la radicalisation d’une lutte d’influence centrée sur
le contrôle d’un espace stratégique.
Ainsi, la Russie moderne cherche à retrouver sa place dans le
système des relations internationales contre une certaine forme
de méfiance, voire d’hostilité de la part du bloc libéral
occidental, qui continue à voir en elle l’héritière de la
puissance communiste. Et sa montée en puissance fait d’autant
plus peur que de facto,
elle remet en question l’influence de la puissance américaine en
Eurasie post-soviétique – principalement en zones caucasienne et
centre-asiatique, où de gros intérêts politiques, militaires et
énergétiques sont en jeu. Autrement dit, son retour remet en
cause les fondements même du nouvel ordre international libéral,
dirigé par Washington et au-delà, menace de
multilatéraliser ce
dernier. Un enjeu sous-jacent au retour russe est donc le
nouveau statut de
Moscou sur la scène internationale qui, dans ses grandes lignes,
sera fonction de sa capacité à reprendre en main l’espace
post-soviétique – autrement dit, à recouvrer une certaine
légitimité dans son
ancienne zone de domination impériale, que la stratégie
américaine visait, jusque là, à éroder.
De
ce point de vue, il serait opportun de s’interroger sur la
capacité de Moscou à se définir une nouvelle identité post-soviétique,
intégrant les principales évolutions géopolitiques issues de la
faillite du communisme. Et, en définitive, de se poser une
question centrale et redondante : où va la Russie ?
A la
recherche d’un statut post-impérial
La
disparition de l’URSS[v],
le 25 décembre 1991 - avec la démission du premier (et dernier)
président soviétique, Mikhaïl Gorbatchev - a provoqué une
profonde rupture psychologique, au cœur du peuple russe et de
ses élites dirigeantes. La Russie, brusquement, a perdu son
statut de superpuissance de la Guerre froide pour devenir une
simple puissance
régionale, menacée à sa proche périphérie par des Etats
politiquement instables, donc potentiellement hostiles. Et ce
déclin géopolitique a été d’autant plus douloureux que la
puissance russe a été considérablement fragilisée par une
politique constante de déstabilisation menée, depuis les années
60, par l’Amérique – sous la houlette de Z. Brzezinski[vi].
La chute du communisme a été une opportunité pour la puissance
américaine de renforcer son monopole de la régulation mondiale
et par ce biais, son unilatéralisme armé. Selon la vision
américaine, la Russie reste un facteur d’incertitude, donc de
menace latente pour le monde – ce qui implique la vigilance de
l’Amérique. Dans cet axe, R. Kagan, un des leaders du courant
néo-conservateur américain, a confirmé qu’il était
‘’vital d’avoir une
Amérique forte, voire toute puissante, pour le monde et surtout,
pour l’Europe’’[vii]
– notamment, au regard des récentes velléités russes.
La phase post-communiste coïncide donc avec la
refondation identitaire
d’un nouvel Etat russe contraint de redéfinir ses intérêts
nationaux et, à terme, son positionnement sur la scène
internationale. Il s’agit alors pour Moscou de passer à une
vision moins idéologique des relations internationales et, de
façon plus globale, de définir son
statut post-impérial
Toutefois, l’héritage soviétique continue d’exercer une certaine
influence sur l’orientation de la pensée stratégique russe, qui
intègre les menaces militaires et politiques d’Etats
structurellement opposés à ses intérêts en périphérie
post-soviétique et in
fine, dotés d’une autre vision du monde. Aujourd’hui, Moscou
aspire à la revanche et perçoit sa marginalisation
internationale comme une sanction de sa défaite idéologique de
la Guerre froide. Car comme l’a rappelé Alexandre Zinoviev,
ancien dissident soviétique, la chute du communisme soviétique
‘’est la plus grande
victoire de l’Occident’’[viii].
Et de manière officielle, elle regrette que les
‘’vestiges’’ et le
‘’fardeau du passé’’
continuent de grever ses relations avec l’Occident,
principalement avec l’Amérique[ix].
Estimant avoir trop reculé depuis la transition post-communiste[x],
la Russie s’efforce de défendre ses intérêts de puissance
eurasienne et d’achever sa restructuration identitaire sur la
scène internationale, contre le leadership américain et les
prétentions politiques de l’Occident qui reste, selon
l’expression d’I. Facon,
‘’une source de menaces récurrentes’’[xi].
Car en dépit de l’inflexion politique impulsée par le
président Obama, accusé par les néo-conservateurs de
‘’trahison idéologique’’[xii]
- en violant les principes fondamentaux de la politique
extérieure américaine - Moscou perçoit une certaine hostilité à
son égard et surtout, à son retour comme grande puissance. Dans
son essence, cette hostilité inertielle du bloc occidental tend
à s’exprimer par l’instrumentalisation de l’Otan comme levier de
compression d’un nouvel ‘’impérialisme russe’’. Cette
fonction politique de
l’Otan est reconnue, sans ambages, par le stratège ‘’réaliste’’
de la Guerre froide, Henry Kissinger :
‘’L’Otan est par
définition une alliance militaire, dont l’un des objectifs est
de protéger l’Europe contre une Russie qui serait tentée par une
nouvelle aventure impériale’’[xiii].
Désormais, la Russie vise à renforcer ses positions dans le
monde par une reprise en main de l’espace post-soviétique - dont
les Etats sont ses ‘’alliés naturels’’ - et l’insertion de cet
espace dans son projet de
puissance. Or face à la volonté de Moscou de retrouver son
influence perdue, le vice-président américain, J. Biden, a
affirmé le 23/07/2009 - en guise d’avertissement - qu’au 21°
siècle, ‘’la théorie du
partage du monde n’était plus de mise’’, autrement dit, que
la Russie devait abandonner ses vieux reflexes impériaux de
l’époque communiste[xiv].
Dans son ouvrage, ‘’L’Amérique face au monde’’, Z.
Brzezinski est convaincu du maintien de la volonté impériale
russe. Il rappelle que
durant les 4 derniers siècles, la ligne directrice de la Russie
se résume par ‘’une
expansion impériale à partir d’un centre bien défini pour créer
un Etat multinational’’[xv].
Et surtout, il est persuadé que V. Poutine n’a pas
‘’admis l’impossibilité
de recréer le vieux système impérial’’[xvi],
illustrant selon lui,
‘’la résistance de l’ordre soviétique’’[xvii].
Pour cette raison, Brzezinski prône le maintien d’une politique
de contrôle de la puissance russe et d’érosion de son pouvoir en
zones caucasienne et centre-asiatique, que celle-ci s’efforce de
préserver, quel qu’en soit le prix.
A terme, selon A. de
Tinguy, il s’agit pour
Moscou d’utiliser ‘’les
moyens dont elle dispose pour essayer de contrôler les
évolutions dans l’espace post-soviétique’’[xviii].
Car, avide de réhabiliter une certaine ‘’idée russe’’, Moscou
veut désormais apparaitre comme un Etat leader au sein de son
espace historique - en dépit de l’activisme politique américain
- et surtout, désireux de s’y faire (à nouveau) respecter.
Dans ce cadre, la défense des intérêts russes à l’étranger
devient une priorité de la politique extérieure, réitérée par le
président Medvedev, le 24/07/2009 : ‘’il
faut être capable de riposter en cas de difficultés. Parfois de
façon très ferme. Mais uniquement si les intérêts de nos
concitoyens sont menacés’’[xix].
Dans sa mise en garde, Medvedev se réfère, de manière
implicite, à la crise géorgienne d’Aout 2008, lorsque l’armée
russe a dû intervenir pour protéger ses ressortissants d’un
véritable massacre. Mais plus globalement, il redoute la
répétition d’un tel
scénario en zone post-soviétique. Cela a amené Moscou à
revendiquer un
droit de regard
et d’intervention dans sa sphère d’influence, lorsque ses
intérêts vitaux sont menacés. Or, le 27/07/2009, la secrétaire
d’Etat Hillary Clinton dans une interview au Wall Street
Journal, a très clairement rappelé à la Russie qu’elle ne devait
plus chercher à ‘’imposer
sa volonté’’ aux Etats issus de l’ex-URSS, au nom de son
rôle passé dans la sphère soviétique – que Moscou viserait,
selon elle, à rétablir[xx].
Dans le même temps, la
Russie prône un rééquilibrage des relations internationales qui
implique, par essence, son renforcement comme centre d’influence,
un rôle plus grand de l’ONU et
in fine, une réforme
des institutions financières du FMI (Front monétaire
international) et de la BM (Banque mondiale), en vue d’accroître
l’influence des puissances émergentes du type BRIC (Brésil,
Russie, Inde, Chine). Ce faisant, en revendiquant le retour
d’une gouvernance mondiale
multipolaire, elle
remet de facto en
cause l’unilatéralisme américain.
L’héritage soviétique
Tendanciellement, la Russie post-communiste continue à se penser
comme puissance mondiale
(donc ‘’globale’’) et pour cette raison, s’appuie sur le noyau
dur de sa conception stratégique structurée sous le régime
soviétique – à partir d’une politique d’influence dans son
proche étranger. Thomas Gomart revient sur cet aspect inertiel
de la pensée stratégique russe :
‘’Néo-impériale pour les
uns, post-impériale pour les autres, la fédération de Russie n’a
nullement renoncé à exercer une influence pour promouvoir ses
intérêts nationaux. Se pensant et se voulant mondiale, elle
englobe désormais son ‘étranger proche’ dans une politique
ambitieuse destinée à renforcer ses positions sur la scène
internationale’’[xxi].
En outre, dans le prolongement du soviétisme, la Russie moderne
- en tant que système social - est caractérisée par un
instinct de survie
surdimensionné, qui l’a conduit à privilégier les contraintes
sécuritaires dans sa politique extérieure. En ce sens, la
stratégie russe est emprunte d’une forte
inertie soviétique.
Le
poids du soviétisme dans la structuration de l’identité russe
reste sensible, car c’est sous le régime communiste que Moscou a
existé en tant que puissance majeure, redoutée et respectée dans
le monde. Et c’est principalement sous ce régime que la Russie a
été considérée comme puissance égale à l’Amérique et, en cela,
capable de faire contre-poids à son pouvoir hégémon[xxii].
Avec justesse, G. Bensimon a ainsi affirmé que
‘’la ligne historique du
capitalisme n'a traversé ce pays que sur une période
relativement brève, et elle n'y a pas été dominante. Les
rapports communistes y sont bien ancrés, le pays est massif, et
si sa vocation historique est d'être une puissance mondiale,
c'est incontestablement grâce au système communiste qu'elle l'a
réalisée’’[xxiii].
Jusqu’en 1991, ce rôle
spécifique de la Russie communiste a rendu possible une forme
d’équilibre des puissances, structurellement opposées dans une
implacable lutte Est/Ouest, mais neutralisées selon une logique
de dissuasion nucléaire ‘’no first use’’ – rendant impossible
toute première frappe. Car toute amorce de conflit nucléaire
serait suicidaire, donc irrationnelle. Cela a été souligné par
M. Gorbatchev : ‘’La
guerre nucléaire est insensée ; elle est irrationnelle. Il n’y
aurait ni vainqueurs, ni vaincus dans un conflit nucléaire
généralisé : la civilisation mondiale périrait inévitablement.
Ce serait un suicide (…)’’[xxiv].
Arkadi Brich, directeur scientifique d'honneur de
l'Institut russe d'automatique, qui a participé à la création de
la bombe nucléaire soviétique, est persuadé que l’existence de
cette dernière a permis d’éviter une troisième guerre mondiale,
inaugurant en quelque sorte une forme de ‘’paix froide’’[xxv].
Et en ce sens, la
Guerre froide a eu une
fonction régulatrice
implicite dans la stabilité mondiale, empêchant l’émergence de
micro-conflits potentiellement menaçants pour cette dernière.
Une paix idéologique, en quelque sorte.
De
ce point de vue, la fin de la Guerre froide est une variable
explicative majeure de l’instabilité géopolitique actuelle,
doublement nourrie par la montée des revendications
ethno-religieuses et par le retour des mouvements nationalistes
– notamment en Eurasie post-communiste. Car cet équilibre
(nucléaire) de la terreur - entre l’Est et l’Ouest -
surdéterminé par l’idéologie, aurait
de facto agit comme
un verrou sur les
tensions potentielles. La spécificité de ce contexte
géopolitique explique, dans le cas soviétique, la primauté de la
politique extérieure sur la politique intérieure[xxvi],
dans la mesure où cette dernière est totalement subordonnée à
l’impératif de survie idéologique d’un régime structurellement
menacé – et encerclé – par le bloc occidental. Gorbatchev, dans
son ouvrage-référence, ‘’Perestroïka’’, rappelle cette méfiance
naturelle de la Russie face à la puissance militaire de
l’Occident : ‘’Nous ne
pouvons oublier qu’avant l’ère nucléaire, l’occident a plus
d’une fois opéré des incursions sur notre territoire. Et le fait
que toutes les manœuvres militaires de l’Otan comportent
invariablement des scénarios offensifs envers nous n’est t’il
pas en soi éloquent ?’’[xxvii].
Or depuis la transition post-communiste,
la stratégie américaine
– sous la direction des Bush, père et fils – a réactivé les
vieux ‘’reflexes’’ soviétiques de l’élite dirigeante russe et
consolidé, selon J.P. Romer
‘’un sentiment autrement
plus profond et permanent chez les russes : celui de
l’encerclement par les puissances potentiellement hostiles, qui
a constitué une constante dans l’histoire de la Russie.’’[xxviii]
La peur de la menace extérieure est donc profondément ancrée
dans l’inconscient russe et par ce biais, dans la
rationalité décisionnelle
de l’élite dirigeante. En ce sens, l’expansion impériale russe -
initiée sous le tsarisme - a une visée fondamentalement
défensive, destinée à
créer une zone-tampon et relayée, plus tard, par l’idéologie
soviétique.
Un
trait systémique du communisme soviétique est sa vocation à
étendre son idéologie messianique à l’échelle planétaire, comme
l’a rappelé Lilly Marcou : ‘’Le communisme,
phénomène planétaire qui se confond avec le XX° siècle par sa
présence prédominante sur toutes les scènes politiques, fut
avant tout une idéologie à vocation internationaliste, soutenue
par un mouvement mondial institutionnellement structuré.’’[xxix]
Dans le cas de l’URSS, cette expansion - qui répond à un
véritable besoin organique - visait aussi la création d’une zone
d’influence fiable en vue de stabiliser sa domination dans son
espace idéologique. Selon Alexandre Zinoviev, cette tendance
organique expliquerait pourquoi l’immense Union soviétique - au
nom de sa légitimité idéologique - a constitué
‘’après 1945, une grande
zone d’influence en Europe de l’Est, modelant à son image cette
partie du continent’’.[xxx]
Et une implication de cette prégnance de l’idéologie dans la
société soviétique et la constitution de son empire a été de
fonder la priorité de son
identité
internationale sur son identité nationale. En dernière
instance, cela explique que la question nationale - et
identitaire - en Russie ait été occultée par le rôle historique
d’une puissance idéologique globale, revendiquant le leadership
mondial. Et cela, au nom de son combat d’avant-garde pour la
libération des peuples, car pour reprendre J.F. Soulet, les
dirigeants communistes s’étaient auto-proclamés ‘’hérauts
d’une idéologie intrinsèquement anti-libérale et libératrice’’[xxxi].
Ainsi, l’héritage soviétique est énorme. Non seulement il a
influencé et ‘’éduqué’’ la mentalité russe dans l’esprit d’une
‘’citadelle assiégée’’, mais il a orienté la politique étrangère
russe (en phase soviétique, puis fédérale à partir de 1992)
contre un
ennemi latent et
politiquement opposé, la surpuissante Amérique – symbole
supérieur de l’impérialisme,
‘’stade suprême du
capitalisme’’ selon l’expression de Lénine[xxxii].
Et au-delà, la prégnance d’une idéologie soviétique
universaliste - axée sur une mission mondiale - s’est imposée à
toute conscience nationale et à terme, a fini par structurer un
ordre social nouveau, lui-même générateur d’un homme nouveau :
‘’l’homo-soviéticus’’[xxxiii].
Dés 1965, Che Guevara affirmait que ‘’Pour
construire le communisme (…), il faut construire ‘l’homme
nouveau’ ‘’[xxxiv].
Celui-ci, théoriquement soumis aux normes de l’idéologie
communiste, a pour principale mission d’étendre cette dernière à
la planète entière, au détriment de l’idéologie libérale qui
exerce sur elle une menace permanente. Cette pression
idéologique – et militaire – est une constante de la Guerre
froide, forme de guerre latente entre deux ordres sociaux avides
d’afficher leur supériorité. En définitive, la survie de l’ordre
social soviétique a transformé la contrainte de
sécurité extérieure
en une véritable obsession pour les dirigeants russes.
Sous le régime soviétique, Moscou a structuré une zone de domination
idéologique, jouant un rôle sécuritaire indéniable et
s’étendant à l’Est européen. Mais dés 1989, la perte des alliés
est-européens - qui préfigure celle des républiques soviétiques
en 1991- tend à réduire de manière radicale cette zone
d’influence impériale. Cela a justifié la création de la
Communauté des Etats indépendants (CEI), à travers laquelle la
Russie a essayé de préserver une forme d’influence politique (et
économique) à sa périphérie sud, associée à une fonction
stratégique (et protectrice) vitale. Désormais, comme le
souligne sa doctrine stratégique, la CEI fait partie de ses
‘’intérêts vitaux’’ (dont nationaux) et surtout, de son
espace potentiel
d’intervention.
Autrement dit - dans la continuité soviétique - elle reste la
‘’chasse gardée’’ de la Russie post-communiste et en
conséquence, la première priorité de sa politique étrangère.
Cette priorité a été explicitement précisée par la nouvelle
orientation stratégique de Moscou, amorcée à la fin des années
1990, d’abord sous l’impulsion de E. Primakov - ministre des
affaires étrangères de 1996 à 1998, puis premier ministre de
1998 à 1999 - et ensuite, sous celle de V. Poutine :
‘’Les intérêts nationaux
de la Russie résident dans la protection de son indépendance, de
sa souveraineté, de son intégrité d’Etat et territoriale, dans
la prévention d’une agression militaire contre la Russie et de
ses alliés (de la CEI : jg)’’[xxxv].
En
2009, la nouvelle doctrine militaire de Moscou a confirmé ce
statut central de la CEI dans sa stratégie de puissance
et de recomposition identitaire issue de la phase
post-communiste. Et de manière globale, l’efficacité de la
politique russe en zone post-soviétique (CEI) déterminera son
futur statut international, dans la mesure où un contrôle
renforcé de la CEI pourrait être utilisé par Moscou comme levier
de son pouvoir dans les instituions multilatérales et par ce
biais, de son influence dans la gouvernance mondiale. Cela est
mentionné par Anne de Tinguy :
‘’L’avenir de la Russie,
de ses positions dans le monde et de son projet de puissance se
joue en partie dans l’espace post-soviétique.’’[xxxvi]
Or l’espace de la CEI est aujourd’hui au cœur d’une lutte
d’influence avec l’Amérique, avide d’affaiblir la puissance
russe, dans l’optique finale de contrôler le
cœur stratégique de
l’Eurasie. Autrement dit, la conflictualité bipolaire de la
Guerre froide – sous des formes certes réactualisées – tend à
perdurer en Eurasie post-communiste.
La
douloureuse transition
Au
lendemain de l’implosion de l’URSS, la Russie a connu une
transition politique particulièrement difficile, grevée par la
désagrégation et le retrait de l’Etat qui a affaibli la cohésion
sociale – via le développement de la précarité économique et des
inégalités – et favorisé l’extrémisme religieux, qui tend
aujourd’hui à fragiliser (principalement) le Caucase nord[xxxvii].
Début 2000, rapporte V. Fedorovski, 40% de la population vivait
au dessous du seuil de pauvreté[xxxviii]
(contre 12,4 % en 2009, suite à la politique sociale de Poutine[xxxix]).
En effet, dans un pays naguère socialiste,
‘’où l’Etat se confondait
avec le Parti unique, la désétatisation consécutive à la chute
de l’ancien régime n’a fait qu’affaiblir le seul rempart qui
aurait pu défendre les plus faibles’’.[xl]
Sous le régime soviétique, l’Etat-parti était le ciment social
de la société russe, garant de son unité. Et cette transition
vers l’économie de marché fut d’autant plus douloureuse pour
Moscou, qu’elle l’a radicalement appauvrie et marginalisée sur
la scène mondiale. La politique de réforme ultralibérale alors
adoptée par Eltsine en vue de l’intégration de la Russie à
l’économie mondiale a été perçue, par les citoyens russes, comme
une trahison et comme
une soumission totale au diktat américain. Désireuse d’obtenir
des crédits et la coopération d’experts américains, la Russie de
Eltsine s’est alors ‘’couchée’’ devant l’Occident et en
définitive, favorisé la progression de la puissance américaine
en Eurasie. L’objectif clé de la réforme était de désétatiser et
de déréglementer l’économie russe en vue de faire émerger le
marché. Mais un autre objectif (latent) de la réforme était
d’étendre l’idéologie libérale à l’Eurasie post-soviétique, pour
repousser la Russie et mieux défendre les intérêts vitaux de
l’Amérique, dans le cadre d’un ordre international
idéologiquement orienté. Ainsi, R. Kagan a reconnu que
‘’dans la mesure où ils
croient à la puissance, les américains pensent que celle-ci doit
servir à promouvoir les principes d’une civilisation libérale et
d’un ordre mondial libéral’’[xli].
Au final, cette ‘’thérapie de choc’’, proposée par J. Sachs et
appliquée à la lettre
par des bureaucrates incompétents et déconnectés de la réalité
locale, s’est révélée totalement
inadaptée aux
conditions socio-économiques de la Russie, structurellement
imprégnée de la culture soviétique. D’autant plus que cette
reforme a été appliquée selon un mode de décision en ‘’vase
clôt’’. Et au regard de son impact sur le tissu socio-économique
russe, elle a été
déstructurante.
Suprême incompétence. Associée à une ‘’décroissance économique ‘’ - croissance négative de 1994 à 1998[xlii] - la perte du statut de grande puissance a été douloureusement ressentie. Comme le note A. de Tinguy, la Russie ‘’éprouvait (…) le sentiment d’avoir été humiliée sur la scène internationale. Le pays a développé une très forte nostalgie de la puissance perdue. Il considérait que la reconnaissance internationale qu’il avait eue avait disparu. La société était en quête d’ordre (…)’’[xliii]. Ce contexte de crise a crée, de facto, un terreau favorable au retour du mythe stalinien du complot occidental. La politique du Consensus de Washington a été suspectée de vouloir maintenir la Russie dans un état de sous-développement relatif pour in fine, l’empêcher de se renforcer et de revenir sur la scène internationale, en tant que puissance concurrente de l’Etat américain. Au passage, on remarquera que la stratégie d’épuisement de l’économie soviétique - via la course au surarmement et l’IDS[xliv] - conduite au début des années 80 par R. Reagan, poursuivait le même objectif : affaiblir les bases économiques de la puissance russe pour éroder son pouvoir géopolitique et, à terme, la déstabiliser. Cette volonté d’accélérer la chute de la Russie est une constante de la stratégie occidentale sur long terme qui, dans un premier temps – durant la Guerre froide – a été justifiée par la lutte contre le communisme : ‘’La catastrophe russe a été voulue et programmée ici, en Occident’’, a reconnu A. Zinoviev[xlv]. Dans son essence, cette régression statutaire de Moscou sur le plan international a coïncidé avec une politique occidentale globalement hostile et nuisant aux intérêts russes - comme l’attestent les manœuvres douteuses de l’Otan dans l’étranger proche de la Russie (dans le cadre du ‘’Partenariat pour la paix’’[xlvi]) et, en avril 1999, le bombardement meurtrier de l’ex-Yougoslavie (sans accord du Conseil de sécurité de l’ONU) dont une suite logique a été l’indépendance illégale du Kossovo, le 17 février 2008. Mais le plus inquiétant est que cette manipulation occidentale a réactivé l’idée d’une ‘’grande Albanie’’. Ce renforcement de l’Otan en Eurasie post-soviétique s’est exprimé par sa globalisation, impliquant d’abord son expansion vers l’Est – ce qui a conduit S. Lavrov, chef de la diplomatie russe, à s’interroger sur sa fonction sécuritaire en Europe : ‘’Je ne crois pas que cette résolution des questions liées à l’expansion de l’Otan vers l’Est puisse contribuer au renforcement de la sécurité européenne (…)’’.[xlvii] Mais ce qui inquiète le plus Moscou est l’extension de l’Otan aux ex-républiques soviétiques - dont les prochaines cibles sont la Géorgie et l’Ukraine, qui appartiennent à son étranger ‘’très’’ proche. Récemment, J. Biden, en visite en Ukraine, a confirmé le soutien américain à la volonté de ces dernières d’intégrer l’Otan, s’opposant en cela ouvertement à la position russe. Et le 21/07/2007, J. Biden a visé implicitement la Russie en s’adressant aux ukrainiens : ‘’Personne n’est en droit de vous dicter quelle alliance rejoindre’’[xlviii]. En d’autres termes, Moscou doit abandonner ses anciennes pratiques impériales en zone post-soviétique et renoncer définitivement à toute idée d’ingérence dans les affaires intérieures d’Etats (désormais) souverains. Un peu plus tard, lors de son séjour en Géorgie, J. Biden a réaffirmé que ‘’Nous (les américains : jg) soutenons entièrement le désir de la Géorgie d'intégrer l'Alliance atlantique et continuerons de l'aider à se mettre au niveau des normes requises’’[xlix]. Dans le même temps, Washington a accueilli favorablement la demande d’aide militaire de la Géorgie, qui continue à voir la Russie comme un ‘’ennemi mortel’’. Dans l’optique d’adapter la Géorgie aux normes de l’Otan, Washington a promis de coopérer avec elle ‘’pour maintenir ses forces armées, l’aider à s’entraîner et à s’organiser’’[l]. Aujourd’hui, la Géorgie - qui continue ses provocations à l’égard de Moscou - reçoit l’aide américaine par habitant la plus importante au monde, selon le propre aveu de J. Biden. Et ce dernier a réitéré la position américaine sur la nécessité de respecter l’intégrité territoriale de la Géorgie - alors que celle de l’ex-Yougoslavie a été objectivement violée - tout en demandant in fine à Moscou de revenir sur sa reconnaissance de l’indépendance des deux républiques séparatistes géorgiennes d’Ossétie du sud et d’Abkhazie. En réponse, le 26/08/09, V. Poutine a affirmé que cette reconnaissance était ‘’irrévocable’’ et qu’il ne tolérera ‘’aucune tentative de revanche, ni de nouvelles aventures militaires dans la région’’[li]. En conséquence, Moscou n’a à recevoir de leçons de morale de personne, et encore moins d’une Géorgie vindicative et allègrement soutenue par Washington. Inutile gifle.
Cette configuration géopolitique a alors renforcé en Russie (en
proie à des crises nationalistes et séparatistes) la peur d’une
agression militaire de l’Otan, au nom d’un devoir d’ingérence
humanitaire ou du droit des peuples à disposer d’eux même,
voire de principes démocratiques à géométrie variable – comme
dans le cas de l’ex-Yougoslavie et de l’Irak. Certains
dirigeants russes ont même pensé que seule la détention de
l’arme nucléaire avait empêché la reproduction d’un tel scénario
en zone post-soviétique, s’insérant dans une stratégie plus
globale de ‘’guerre préventive’’[lii]
contre le terrorisme, inaugurée par le Pentagone dans les années
2000 et destinée à neutraliser les menaces potentielles – au
mépris du droit international. H. Kissinger a
reconnu, à propos de la guerre en Irak, qu’il s’agissait
de faire comprendre ‘’au
reste du monde, que notre première guerre préventive nous a été
imposée par les faits et que nous cherchons à servir la cause du
monde, et pas seulement nos propres intérêts’’[liii].
De manière globale, le déclin géopolitique de la Russie
post-communiste, ajouté à son état de délabrement économique,
social et psychologique – provoqué par l’inefficacité
structurelle des réformes – a fait le nid d’un
nationalisme
anti-occidental, surtout anti-américain. A l’époque,
l’impression du citoyen russe est de payer, à travers la crise
systémique, la défaite symbolique de la Guerre froide. Ultime
humiliation.
L’impression dominante a été alors que les intérêts nationaux
russes - dont les actifs économiques et industriels -
avaient été bradés dans le cadre d’une douteuse procédure
de privatisation profitant d’une part, aux entrepreneurs
étrangers et d’autre part, aux oligarques russes. Mais le plus
scandaleux dans cette ruine morale et économique de la Russie a
été d’assister - sous la bienveillance d’Eltsine - à la
naissance d’une véritable
nomenklatura capitaliste, infiltrant le pouvoir central et
qualifiée par L. Marcou de bourgeoisie moderne
‘’compradoro-mafieuse’’[liv].
A cela s’est ajouté un recul territorial spectaculaire, enlevant
à l’Empire russe des espaces stratégiques ou politiquement
importants - porteurs des racines européennes de la Russie -
tels que les ex-républiques de Biélorussie, de Géorgie et
d’Ukraine. Cette
rupture géopolitique,
en réactivant le ‘’spectre
du séparatisme régional’’[lv]
- par ailleurs encouragé par la main insidieuse de Washington -
conditionne le caractère instable de la transition russe
post-communiste.
Dans ses grandes lignes, cette instabilité de la transition a
été renforcée par le déclin du surpuissant complexe
militaro-industriel, principal levier de la croissance
économique russe depuis la période soviétique. Mais surtout, ce
déclin a, de facto,
précipité celui de l’armée russe. Et en raison d’une compression
abyssale du budget militaire[lvi],
souhaitée par Washington, l’armée russe vieillissante a été
laissée à elle-même et sa capacité de défense – dont nucléaire –
a été considérablement réduite. Cette marginalisation de la
composante militaire (aggravée par l’absence d’investissement) a
contribué à nuire à l’image internationale de l’Etat russe,
ancienne superpuissance de la Guerre froide et partageant avec
l’Amérique, le leadership idéologique mondial. D’autant plus que
la puissance militaire est un élément clé du
statut géopolitique
de la Russie et, dans le même temps, le symbole historique d’un
Etat fort. Autrement dit, l’armée est un vecteur à la fois
structurant de l’identité nationale russe et garant de la
stabilité politique du régime. Et en définitive, ce déclin
international de la Russie eltsinienne a été favorisé par
l’absence d’une réelle
politique étrangère, c'est-à-dire indépendante et déconnectée de
l’influence de Washington – et, en rupture avec la tradition
soviétique, incapable de s’appuyer sur le levier militaire.
Le
retour russe L’arrivée de Vladimir Poutine, comme premier ministre de Boris Eltsine en août 1999 - puis comme président, à partir de mai 2000 - va coïncider avec le retour international de la Russie. Indéniablement, une préoccupation centrale de Poutine a été son attachement ‘’à la renaissance de la Russie’’[lvii]. En effet, ce dernier va mettre en œuvre une reforme structurelle cohérente et globale - sur le triple plan économique, politique et militaire - permettant non seulement le retour de la croissance (positive depuis 1999) - certes favorisée par la double évolution des cours du rouble et du pétrole - mais surtout, le renforcement de l’Etat russe sur la scène internationale. Dés 2000, la Russie de Poutine affiche sa volonté de devenir un élément moteur – un ‘’centre influent’’ – du futur monde multipolaire, en tant que ‘’grande puissance’’. Ainsi, comme le précise alors son Concept stratégique : ‘’Les intérêts nationaux de la Fédération de Russie dans la sphère internationale consistent en la garantie de la souveraineté, dans la consolidation des positions de la Russie en tant que grande puissance et qu’un des centres influents du monde multipolaire (…)’’[lviii]. Et, en définitive, la politique de restructuration radicale impulsée par V. Poutine a permis l’insertion de la Russie moderne au nouvel ordre international – en dépit du frein américain à son admission à l’OMC. Dans ses grandes lignes, V. Poutine a recentré la politique étrangère russe d’une part, sur la défense de ses intérêts nationaux, élargis à l’espace post-soviétique - la CEI, considérée comme son espace politique - et d’autre part, sur le renforcement de son influence régionale, pour stabiliser son étranger proche. Et dans ce but, Poutine a axé sa politique sur le développement du complexe militaro-industriel et de la force nucléaire et, parallèlement, sur la modernisation de l’armée russe, trop longtemps négligée par le suivisme occidental de la ligne Eltsine. Cette orientation est confirmée par le président D. Medvedev, soulignant la nécessité d’améliorer la gestion opérationnelle des troupes et de les doter ‘’d’équipements modernes’’. Selon Medvedev, ‘’les forces armées doivent tenir compte des menaces contemporaines, sans oublier celles qui appartiennent au passé mais persistent toujours (…)’’[lix]. On remarquera que, dans ce discours, est implicitement visée l’hégémonie politico-militaire américaine, porteuse de menaces latentes (qui ‘’persistent toujours’’) pour la stabilité de l’espace post-soviétique. Le 4/09/2009, le chef de la 12e direction générale du ministère de la Défense, le général Vladimir Verkhovtsev, a officiellement annoncé la modernisation de l’arsenal nucléaire russe : ‘’Compte tenu des perspectives - y compris à long terme - du développement des troupes russes [...] il a été décidé de renouveler l'arsenal nucléaire du pays. Il s'agit de doter les forces armées de munitions nucléaires aux caractéristiques techniques et tactiques améliorées’’[lx]. Dans cette optique, le nucléaire redevient - dans le prolongement du soviétisme - une source majeure de la puissance politique de la Russie fédérale. Ainsi, selon l’aveu du président du Conseil russe pour la politique extérieure, Sergueï Karaganov, l’arme nucléaire constitue toujours ’’le fondement de l'influence politique et en partie économique de la Russie’’[lxi]. On peut donc parler du ‘’retour de l’Atome rouge’’, pour reprendre le titre d’un ancien article[lxii] - en référence à la fonction politique de l’atome sous le régime communisme et à son utilisation par ce dernier comme vecteur de sa stratégie extérieure. Et le nucléaire a un rôle d’autant plus vital, qu’il permet un rééquilibrage des rapports de force internationaux initialement défavorables pour la Russie.
Le général Makhmout Gareev, président de
l’Académie des sciences militaires de Moscou, lors de sa
présentation des grandes lignes de la future doctrine militaire
russe, le 20 janvier 2007, a précisé que
‘’pour la Russie, étant
donné un rapport des forces qui lui est extrêmement défavorable
sur tous les axes stratégiques, l’arme nucléaire demeurera
capitale, le plus sûr moyen de dissuasion stratégique d’une
agression extérieure et le plus sûr moyen de garantir sa propre
sécurité.’’[lxiii]
Cette fonction vitale de
l’atome explique, en partie, l’opposition russe au projet
américain d’implanter un bouclier anti-missiles dans l’Est
européen – qui neutraliserait, à un certain degré, la puissance
nucléaire russe et sa capacité de riposte à une première frappe.
Mais une raison majeure de cette opposition est le sentiment de
Moscou d’être visée par le bouclier américain – perçu par
celle-ci comme un relent de Guerre froide. Sur ce point, le
premier ministre russe, V. Poutine, a récemment affirmé que
‘’Si nos partenaires
américains renoncent à installer de nouveaux systèmes de combat
en Europe, notamment leur bouclier antimissile en Europe, s'ils
réexaminent leur approche concernant l'élargissement des blocs
militaires ou, si à plus forte raison ils refusent totalement à
de nouvelles adhésions, ce serait un grand pas en avant’’[lxiv].
Globalement, à travers ce recentrage sur l’atome, il s’agit
pour Moscou de revenir vers une stratégie de
projection de force,
en vue d’afficher sa puissance et de dissuader toute velléité de
puissances hostiles - percevant la faiblesse de la Russie
post-impériale en transition, comme une opportunité stratégique.
Et cela, d’autant plus
que depuis 1992, l’Occident s’est octroyé un
droit d’ingérence
en zone post-soviétique, au nom de principes humanitaires et
moraux discutables ou, alternativement, d’une aide au
développement politiquement orientée.
Un autre objectif sous-jacent à l’ingérence
occidentale est le contrôle des sources et des voies de
transport énergétiques (gaz, pétrole) qui renforce le caractère
stratégique de la région, notamment en Asie centrale – et menace
la centralité russe sur la question énergétique. Le général
Gareev prédit donc, dans un proche avenir, une véritable lutte
pour les ressources :
‘’Les facteurs écologiques et énergétiques constitueront, dans
les dix ou quinze prochaines années, la principale cause des
conflits politiques et militaires.’’ Et M. Gareev
ajoute que ‘’la lutte
pour les ressources sera portée à son paroxysme, générant une
confrontation politique et économique. On ne peut exclure, sur
ce terrain, la possibilité d’une confrontation militaire.’’[lxv]
La nouvelle doctrine de sécurité russe – publiée en mai 2009 –
précise d’ailleurs que cette course pour le contrôle des sources
énergétiques sera, à long terme, particulièrement intense dans
les zones de la Caspienne et de l’Asie centrale – devenant, par
ce biais, un facteur majeur
d’instabilité
géopolitique. De ce pont de vue, il semble logique que la
nouvelle conception stratégique de l’Otan (prévue en 2010)
envisage d’intégrer la variable énergétique comme un enjeu
stratégique majeur[lxvi].
Et le plus inquiétant est qu’aujourd’hui, l’Occident – sous la
houlette américaine – n’hésite pas à sécuriser ‘’ses’’ espaces
stratégiques en zone post-soviétique via l’avancée de l’Otan et
l’installation de bases militaires. En outre, auto-légitimée par
la supériorité morale
de l’idéologie libérale, Washington vise, depuis la fin de la
Guerre froide, à étendre son influence idéologique en zone
post-soviétique. Cela est réaffirmé, de manière claire, par R.
Kagan : ‘’La fin de la
guerre froide a été considérée par les américains comme une
occasion non pas de restreindre mais d’étendre leur influence,
d’étendre l’alliance qu’ils dirigent vers l’Est en direction de
la Russie (…), d’investir dans des régions du monde telles que
l’Asie centrale’’[lxvii].
Ce faisant, cette offensive occidentale remet en cause le statut historiquement
dominant de Moscou dans son pré-carré. Ce que l’orgueilleuse
Russie ne sera jamais
prête à accepter.
Globalement, le retour de l’Etat russe – et la réhabilitation de
ses valeurs nationales – s’est traduit par un durcissement de sa
politique étrangère. En effet, depuis la fin des années 90,
Moscou doit faire face à la militarisation des relations
internationales, impulsée par l’Amérique de G.W. Bush et dont
l’unilatéralisme hautain a été ouvertement condamné par V.
Poutine, en février 2007, dans son harangue anti-impérialiste de
Munich – qui souligne un
‘’mépris de plus en plus grand des principes fondamentaux du
droit international’’ et rejette
‘’l’emploi hypertrophié,
sans aucune entrave , de la force - militaire - dans les
affaires internationales, qui plonge le monde dans un abîme de
conflits successifs’’. Pour l’ancien président russe, cet
expansionnisme exacerbé de la puissance américaine représente
alors un ‘’risque
potentiel de déstabilisation des relations internationales (…)’’[lxviii].
Depuis la chute du communisme soviétique, le recours à la
force a été institutionnalisé par Washington comme levier de sa
politique étrangère car, comme l’admet R. Kagan,
‘’une fois supprimé le
frein que constituait la puissance soviétique, le pays était
libre d’intervenir où il voulait (…)’’[lxix].
Dans son essence, cette orientation a justifié la stratégie de puissance
de la Russie fédérale, s’appuyant sur l’armée et son idéologie
nationaliste – stratégie illustrée par les interventions en
Tchétchénie et en Géorgie. Symboliquement, il fallait montrer
que l’armée - et l’Etat - russe était ‘’de retour’’ et au-delà,
préserver l’unité de la nation russe autour d’une cause
mobilisatrice.
Sous la présidence de Poutine – puis, à
partir de mars 2009, sous celle de Medvedev - la politique
extérieure russe s’est focalisée contre les
menaces potentielles
pesant sur ses intérêts nationaux et, notamment, dans sa zone de
domination traditionnelle. Dans ce but, la Russie s’est efforcée
de reconstruire le glacis
sécuritaire hérité du soviétisme et permettant d’une part,
de créer une profondeur stratégique et d’autre part, d’anticiper
les menaces latentes des zones non contrôlées. Cela a justifié
la création des alliances politico-militaires de l’OTSC et de
l’OCS[lxx].
Un objectif implicite de ces alliances eurasiennes étant de
freiner l’expansion de l’Occident - via le levier otanien - au
cœur de l’espace post-soviétique et dans ce but, faire
contre-poids au
pouvoir croissant de l’Otan dans la région, qui dépasse sa zone
de responsabilité. Cette volonté expansionniste de l’Otan -
aspirant à devenir un gendarme mondial - a été dénoncée le
20/03/2009 par S. Riabkov, vice-ministre russe des Affaires
étrangères : ‘’Les
activités de l'Alliance attestent qu'elle accorde une attention
grandissante dans ses plans militaires à des problèmes
surgissant à l'extérieur de sa zone de responsabilité
traditionnelle. Il s'agit en fait d'une tentative de jouer un
rôle mondial, et nous ne manquerons pas de prendre ce facteur en
considération’’[lxxi].
Cette incertitude géopolitique croissante en périphérie russe,
définie en 2009 par sa doctrine de sécurité nationale comme une
‘’nouvelle menace’’, rendrait désormais possible l’émergence de
conflits (potentiellement nucléaires) dans les régions
frontalières. Et, de manière explicite, la
stratégie de l’Otan
est visée. Sur ce point, nous rejoignons l’analyse d’Isabelle
Facon, qui rapporte que pour certains responsables russes,
‘’la possibilité d’une
guerre régionale majeure ne peut être exclue à l’heure actuelle.
Or ce risque est rattaché notamment à des scénarios de crises
potentielles avec l’Otan, en particulier dans l’environnement
proche de la Fédération’’[lxxii].
De tels scénarios ont été simulés par les
exercices militaires ‘’Zapad-1999’’, centrés sur les capacités
d’action de l’armée russe dans un conflit avec l’Otan, similaire
à celui en Yougoslavie au printemps 1999. Ces manœuvres ont
alors montré que la Russie ne pourrait repousser une attaque
éventuelle de l’Otan, dans son étranger proche, qu’en recourant
à l’arme nucléaire.
Ce résultat a, par la suite, conduit la Russie à abaisser le
seuil d’emploi de l’arme nucléaire en renonçant,
de facto, à l’ancien
engagement soviétique de ne pas y recourir la première.
Désormais, dans la nouvelle vision stratégique russe, le
nucléaire intègre – en dehors de sa fonction dissuasive – une
fonction défensive et
tactique, potentiellement utilisable dans des conflits
régionaux et conventionnels, en cas d’impuissance des armes
classiques. Et au-delà, le nucléaire devient un
levier d’action
en vue d’influer sur une situation géopolitique critique et
in fine, il apparait
comme une réponse ultime au renforcement et à l’ingérence
croissante de l’Otan en zone post-soviétique. De ce point de
vue, il semble logique que les récentes manœuvres conjointes
russo-biélorusses ‘’Zapad-2009’’ aient eu pour objectif central
‘’les préparatifs en cas
de menace contre la stabilité stratégique dans la région de
l'Europe orientale’’.[lxxiii] L’Otan, dont l’extension aux ex-alliés de la Russie communiste est perçue comme une provocation par Moscou, est toujours considérée comme le bras armé de l’Occident et manipulée à des fins politiques. Ainsi selon L. Ivachov, président de l’académie russe des problèmes géopolitiques : ‘’l’Otan, sous couvert de ‘coopération avec la Russie’, progresse vers l’Est, crée des bases à proximité des frontières russes, fait adhérer de nouveaux membres’’[lxxiv]. Dans son intervention de Munich de février 2007, V. Poutine s’est, avec légitimité, étonné de cet élargissement virtuellement dirigé contre la Russie : ‘’l’OTAN rapproche ses forces avancées de nos frontières (…). Il est évident, je pense, que l’élargissement de l’OTAN n’a rien à voir avec la modernisation de l’alliance, ni avec la sécurité en Europe. Au contraire, c’est un facteur représentant une provocation sérieuse et abaissant le niveau de la confiance mutuelle. Nous sommes légitimement en droit de demander ouvertement contre qui cet élargissement est opéré.’’[lxxv] Cette progression des infrastructures militaires de l’Otan, à la périphérie russe - ainsi que son aspiration à un ‘’rôle global’’ - est perçue par Moscou, dans sa doctrine de sécurité, comme une menace et, à terme, comme un vecteur de déséquilibres. Mais le plus inquiétant est que cette offensive occidentale, principalement américaine - mais aussi, depuis peu, européenne, via un ‘’partenariat oriental’’ proposé à 6 anciennes républiques soviétiques[lxxvi] - s’appuie sur la manipulation politique des institutions du FMI et de la BM. Car désormais, ces dernières n’hésitent pas à proposer aux nouveaux Etats indépendants des orientations économiques politiquement non neutres - rompant avec la culture russe - et associées à une coopération étroite (dont militaire) ou à une aide financière conséquente[lxxvii]. En novembre 2008, le FMI a approuvé un programme de deux ans pour un total de 16,43 milliards de dollars ( !), afin de permettre à l'Ukraine de lutter - en théorie - contre les conséquences de la crise financière internationale. Mais il s’agit surtout, selon nous, d’empêcher une Ukraine fragilisée de retomber dans le giron russe. Une voie alternative a été la création d’alliances politico-militaires ouvertement anti-russes, du type GUAM[lxxviii], pour favoriser l’émancipation des ex-républiques soviétiques et en ce sens, montrer à la Russie que sa période impériale est définitivement terminée, notamment en Asie centrale. De retour d’un voyage dans cette région, William Burns, sous-secrétaire d'Etat américain et ancien ambassadeur des Etats-Unis à Moscou, a affiché son soutien à une véritable indépendance de l’Asie centrale – qui, à la base, exige une réduction de l’emprise politique de Moscou. Il a ainsi admis qu’un des objectifs de sa tournée ‘’était de mettre en relief la nécessité de l'indépendance, de la souveraineté et de la stabilité économique pour ces pays qui font actuellement face à des problèmes très graves’’[lxxix]. Autrement dit, par le biais de stratégies économiques et politiques insidieuses, il s’agit - selon la ligne Brzezinski - de détacher les ex-républiques soviétiques de la domination russe et par ce biais, continuer le reflux (‘’roll back’’) de la puissance russe, pour in fine sanctionner de manière éclatante, sa défaite de la Guerre froide. Z. Brzezinski a reconnu la nécessité de bloquer toute velléité russe de reconquête en zone post-soviétique, en poursuivant le rapprochement avec les ex-républiques soviétiques de l’Asie centrale, cœur névralgique de l’ancien empire : ‘’Ce qui est vraiment important est de créer un contexte géopolitique tel que le désir nostalgique (de la Russie : jg) de redevenir une grande puissance impériale aura moins de chances de se réaliser (…)’’. Ce qui implique selon Brzezinski ‘’d’instaurer des liens économiques plus nombreux et plus directs avec les pays d’Asie centrale en tant qu’exportateurs d’énergie (….)’’[lxxx]. D’autant plus que ce dernier est persuadé que ‘’la domination coloniale russe sur l’Asie centrale est une chose du passé’’[lxxxi]. L’Asie centrale est donc au cœur de la stratégie américaine de compression dde la puissance russe, élaborée en phase de Guerre froide. Troublante inertie. Globalement, le respect de l’intégrité territoriale - donc de la souveraineté - de l’Etat russe a été une des priorités de la ligne Poutine dans le but de retrouver sa crédibilité et son leadership en zone ost-soviétique et à terme, de se construire un statut post-impérial. Car il s’agit d’abord de réhabiliter la ‘’grandeur russe’’ en redonnant à Moscou son statut de puissance internationale, sur la base de ses valeurs eurasiennes. Et ce faisant, Poutine s’est appuyé sur une forme de nationalisme russe, centré sur la défense des valeurs ancestrales de ‘’l’éternelle Russie’’ et structuré contre l’hostilité plus ou moins virtuelle de l’Occident, accusé de soutenir certaines velléités indépendantistes – notamment en Tchétchénie et dans le Caucase nord. En fait, cette capacité de l’Occident à réactiver les courants nationalistes s’inscrit dans le prolongement de la Guerre froide et aurait, autrefois, précipité l’implosion d’une URSS multi-ethnique. Ainsi, selon A. Zinoviev, ‘’ce sont les démocraties occidentales qui ont fait des efforts de propagande surhumains, à l’époque de la guerre froide, pour réveiller les nationalismes. Parce qu’elles voyaient dans l’éclatement de l’URSS, le meilleur moyen de la détruire’’[lxxxii]. Ces accusations sont reprises par le nouveau discours stratégique russe, relayé par le général Gareev et qui dénonce les manipulations extérieures conduites par un ennemi puissant : ‘’les menaces internes, les plus dangereuses sont le terrorisme et le séparatisme, qui sont généralement attisés de l’extérieur et visent l’unité et l’intégrité territoriale de la Russie’’[lxxxiii]. Aujourd’hui, le président Medvedev s’inquiète de l’instabilité du Caucase et prône le renforcement de la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme. Le 19/08/2009, il a reconnu qu’il y a ‘’quelques temps, nous avons eu l'impression que la situation en matière de terrorisme dans le Caucase s'était sensiblement améliorée. Or, les récents événements montrent qu'il n'en est rien’’[lxxxiv]. V. Vassiliev, président du comité pour la Douma pour la sécurité, a récemment affirmé - le 17/07/2009 - que les ‘’terroristes’’ dans les républiques nord-caucasiennes étaient ‘’manipulés et financés de l’étranger’’[lxxxv]. Le mythe stalinien de l’ennemi intérieur manipulé par l’extérieur est donc de retour. Et désormais, il est l’objet privilégié d’une instrumentalisation politique de la part des dirigeants russes. Car l’existence d’un ‘’ennemi systémique’’, selon l’expression de J. Fontanel, est nécessaire à la régulation et au métabolisme de la société russe[lxxxvi] - autrement dit, à sa survie comme système social.
La
nouvelle ambition russe
Ainsi, V. Poutine a réussi à redonner une forme de cohésion à
l’Etat russe à partir d’une refonte politique et morale de la
société. Mais cette renaissance de la Russie, porteuse d’une
nouvelle idée nationale, a été permise par le renforcement des
tendances autoritaires et centralisatrices intégrées au projet
politique de V. Poutine et poursuivi par son successeur, D.
Medvedev. Pour reprendre l’affirmation de V. Poutine dés l’année
2000 : ‘’la clef de la
renaissance et du relèvement de la Russie se trouve aujourd’hui
dans la sphère politique’’[lxxxvii].
Dés son intronisation à la présidence, ce dernier s’est donné
comme tâche prioritaire de réhabiliter l’idée russe -
excessivement déformée par le régime eltsinien - pour redonner
sa fierté au ‘’grand peuple russe’’. Et selon Poutine,
‘’la nouvelle idée russe
va se former comme un alliage, comme une union organique entre
les valeurs humaines universelles et les richesses
traditionnelles du peuple’’[lxxxviii].
De manière générale, ce projet radical s’inscrit dans la
renaissance internationale de l’Etat russe – longtemps redoutée
par la puissance américaine, dans la mesure où elle menace son
système de domination unipolaire et en cela, ses intérêts
géopolitiques. Cela a conduit J. Biden à exiger de la Russie de
revenir à plus de réalisme et
‘’de réviser
considérablement les sphères de ses intérêts internationaux’’[lxxxix].
Désormais, cette nouvelle ambition russe est perçue par
Washington comme une forme de
néo-impérialisme
et surtout, selon Z. Brzezinski,
elle attesterait
du refus de Moscou d’accepter
‘’la nouvelle réalité de
l’espace post-soviétique’’[xc]
- autrement dit, l’ingérence américaine dans son ancien
espace impérial. Mais
la Russie ne tolèrera pas un tel diktat. Car, en dernière
instance, il s’agit aussi pour elle de se relever de son
trouble identitaire
issu de sa période post-soviétique. Et, dans cette optique, son
renforcement politique en zone post-soviétique est vital.
Dans ses grandes lignes, le trouble identitaire de la Russie a
été aggravé d’une part, par les dérives de la transition
post-communiste et d’autre part, par la politique
structurellement anti-russe de l’administration Bush. Dans le
même temps, la fédération de Russie a considérablement souffert
des inerties de Guerre
froide manifestées par les institutions internationales et
de leur tendance expansive, au cœur même de son espace
politique et au mépris de ses intérêts. Cette opposition
d’intérêts sera, pour la période future, un
vecteur structurant
de conflictualité et parallèlement, à l’origine de menaces non
militaires et à dominante politique, économique ou
informationnelle. Le général Gareev revient sur le caractère
‘’non classique’’ (et détourné) de ces nouvelles menaces :
‘’ ‘L’expérience’ de la
désagrégation de l’URSS, de la Yougoslavie, des ‘révolutions
colorées’ en Géorgie, en Ukraine, en Kirghizie et dans d’autres
régions du monde est là pour nous convaincre que les principales
menaces sont mises à exécution moins par des moyens militaires
que par des moyens détournés.’’[xci]
Malgré tout, la Russie s’efforce de
maintenir - parfois, par le
soft power - sa
stratégie d’influence en zone post-soviétique, radicalement
fragilisée par la politique interventionniste de l’Occident et
l’influence croissante de nouvelles puissances, comme la
Chine, l’Inde, voire l’Iran et le Pakistan.
‘’Dans ce contexte -
précise T. Gomart -
l’influence de la Russie se heurte non seulement à des obstacles
internes à l’espace post-soviétique, mais aussi aux influences
exercées par des puissances cherchant à prendre pied, selon des
modalités différentes, dans tout ou partie de la zone.’’[xcii]
Et désormais, Washington vise à isoler certains Etats de la
zone post-soviétique de l’influence russe, par le biais de
stratégies coopératives ou partenariales renforcées[xciii]
– comme l’attestent
d’une part, le ‘’partenariat stratégique’’ avec l’Ukraine et la
‘’coopération militaire’’ avec la Géorgie et d’autre part, sa
politique de rapprochement avec le Kirghizstan et l’Ouzbékistan
(afin d’y réinstaller des bases militaires). D’une manière
générale, il s’agit pour Washington de
contrer toute
tentative de retour russe dans son ancienne zone de domination.
Et dans ce but, elle n’hésite pas à instrumentaliser l’Otan,
dont le champ d’action stratégique selon Brzezinski,
‘’est appelé à s’élargir
à l’espace eurasien’’[xciv].
Et plus inquiétant, ce dernier a revendiqué, en 2009,
l’émergence d’une Otan globale - à l’échelle du monde - et dotée
d’un contrôle centralisé des structures sécuritaires régionales.
Car, au nom de sa
destinée manifeste,
l’Amérique s’est auto-proclamée gendarme international pour
veiller sur l’Eurasie - donc, sur le monde - comme cela a été
réitéré par H. Kissinger :
‘’Au cours de la dernière
décennie du XX° siècle, la prépondérance des Etats-Unis a assuré
un rôle irremplaçable dans la stabilité du monde’’[xcv].
Inquiétante certitude.
Un
avenir radieux
Ainsi, la restructuration identitaire de la Russie
post-communiste est conditionnée par l’évolution, dans l’espace
eurasien, des rapports de force fondant le nouvel ordre
international, structurellement dominé par l’idéologie libérale
et le poids économique - donc politique - des puissances
occidentales. Car ces dernières, en contrôlant les institutions
financières majeures, verrouillent la gouvernance mondiale et en
cela, la hiérarchie de l’ordre international qui lui est associé
– hiérarchie qui définit le statut, donc le pouvoir géopolitique
potentiel des différents Etats. Autrement dit, la renaissance
russe est médiatisée, sur le plan international, par une
structure de pouvoir informelle, fondée sur des considérations
idéologiques et stratégiques. En ce sens, la réémergence
mondiale finale de la Russie est soumise d’une part, à un enjeu
idéologique majeur,
centré sur l’opposition de visions du monde spécifiques et
d’autre part, à un enjeu
stratégique incontournable, centré sur l’opposition des
intérêts nationaux des Etats leaders.
Aujourd’hui, après avoir retrouvé ses repères
politico-psychologiques, la Russie de Medvedev s’efforce -
malgré la crise systémique - d’achever sa reconstruction
économique pour donner à son peuple, la prospérité tant espérée
sous le communisme. Et selon l’expression de V. Poutine elle
devra, à terme,
‘’retrouver son chemin propre, sur la voie de la rénovation’’[xcvi],
tout en préservant ses valeurs eurasiennes.
Après s’être longtemps égarée sur les chemins idéologiques
de l’histoire, elle devra recentrer son projet économique sur
l’homme et la dimension sociale du développement pour
in fine donner, selon
Gorbatchev, ‘’une réelle
impulsion au facteur humain’’[xcvii]
– objet constant des réformes de l’ancien modèle économique
soviétique. Et, pour reprendre l’expression de Che Guevara,
ultime défenseur d’un socialisme à visage humain, cela revient à
‘’placer l’homme au
centre’’[xcviii].
En cela, il s’agit de redonner
sens au vieux rêve de
l’ordre social soviétique, sur la voie de l’avenir radieux.
En définitive, il s’agit aussi de
concentrer les efforts du peuple russe sur l’exécution d’un
projet socio-économique spécifique, inspiré d’une
‘’troisième voie’’ eurasienne, entre le plan socialiste et le
libéralisme de marché. Autrement dit, pour la Russie du 21°
siècle, le véritable enjeu est la construction d’un
modèle alternatif
de civilisation.
[i] ‘’Défense : la Russie doit être suffisamment armée’’, D. Medvedev, 10/09/2009, www.fr.rian.ru. [ii] Selon le rapport du Congrès américain, Washington aurait exporté, en 2008, pour 37,8 milliards de dollars d’armes contre seulement 3,5 milliards à la Russie. Autrement dit, elle vendrait 10 fois plus d’armes dans le monde que la Russie, renforçant ainsi sa première place internationale. Et surtout, sous la pression du lobby militaro-industriel américain, elle remporte une victoire spectaculaire dans la course aux armements initiée, depuis la Guerre froide, contre la Russie. Réf. : ‘’Washington affirme avoir vendu dix fois plus d’armes que la Russie’’, Revue de la presse russe du 8 septembre, Gazeta.Ru/Izvestia/Komsomolskaïa pravda, 8/09/2009, www.fr.rian.ru. [iii] ‘’Elargissement de l'OTAN: le président russe conseille d'étudier les éventuelles conséquences’’, D. Medvedev, 2/04/2009, www.fr.rian.ru. [iv] ‘’Russie-USA : la lutte antiterroriste entravée par les divergences en ex-URSS’’, H. Pirchner, 09/09/2009, www.fr.rian.ru. [v] Dés le 8 décembre 1991, à Belovèje, prés de Minsk, les dirigeants de la Russie, de l’Ukraine et de la Biélorussie constatent officiellement que ‘’l’URSS cessait d’exister en tant que sujet du droit international et en tant que réalité politique’’. Réf. : Soulet J.F. (2000, pp. 223-224) : ‘’L’Empire stalinien – L’URSS et les pays de l’Est depuis 1945’’, éd. le Livre de poche.
[vi] Cette stratégie de
déstabilisation, de division et d’érosion de la
puissance russe est clairement prônée par Brzezinski,
dans son fameux ouvrage, le Grand échiquier. Voir donc
Brzezinski Z. (2000) : ‘’Le grand échiquier – L'Amérique
et le reste du monde’’, éd. Hachette (1° éd. : Bayard,
1997). Cette stratégie est reprise (et confirmée) dans 2
ouvrages récents de Brzezinski : ‘’Le Vrai Choix’’, éd.
Odile Jacob (2004) et ‘’L’Amérique face au monde’’, éd.
Pearson (2008). [viii] Zinoviev A. (1999, p. 91) : ‘’La grande rupture – sociologie d’un monde bouleversé’’, éd. L’Age d’Homme. [ix] ‘’Moscou invite Washington à abandonner l’héritage de la guerre froide’’, MID (ministère russe des Affaires étrangères), 21/07/2009, www.fr.rian.ru. [x] On peut mentionner : l’extension de l’Otan, l’installation de bases américaines en Roumanie, en Bulgarie, au Kossovo, en Ouzbékistan et au Kirghizstan ; la déstabilisation de l’ex-Yougoslavie et l’indépendance (planifiée) du Kossovo ; l’implantation du système anti-missile ABM dans l’est-européen voire, à terme, dans les ex-républiques soviétiques ; les ‘’révolutions’’ de couleur en Géorgie, en Ukraine et au Kirghizstan ; l’attitude hostile de l’Occident lors des crises tchétchène (depuis 1994), géorgienne (2008) et ukrainienne (2009) ; l’intervention occidentale croissante en zone post-soviétique et la construction de circuits énergétiques alternatifs, contournant la Russie… Sur l’ensemble de ces évolutions, on doit souligner l’influence déterminante du stratège de la Guerre froide, Z. Brzezinski, concepteur d’une stratégie anti-russe et aujourd’hui conseiller du président Obama. [xi] Facon I. (2007, p. 10) : ‘’Politique de défense : les débats sur la doctrine militaire et l’évaluation de la menace’’, Journées d’Etudes, in Actes du 2 octobre 2007 : ‘’Le projet de puissance de la Russie : enjeux, réalités et implications stratégiques’’, Fondation pour la Recherche Stratégique. [xii] ‘’Obama entre idéalistes et pragmatiques’’, I. Krammik, 20/07/2009, www.fr.rian.ru. La fille de l’ancien vice-président D. Cheney a accusé Obama de ‘’réviser l’histoire’’ lorsqu’il a affirmé que la guerre froide avait pris fin, de manière pacifique, du fait de la décision des ex-pays communistes, dont principalement l’Union soviétique. [xiii] Kissinger H. (2004, p. 467) : ‘’La Nouvelle Puissance Américaine’’, éd. Fayard, le Livre de Poche. [xiv] ‘’USA-Géorgie : pas de redémarrage avec Moscou aux dépens de Tbilissi’’, J. Biden, 23/07/2009, www.fr.rian.fr. [xv] Brzezinski (2008, p. 186), op. cit. [xvi] Brzezinski, 2008, p. 191), op. cit. [xvii] Brzezinski, 2000, p. 141), op. cit.
[xviii] De Tinguy A. (2007,
p. 85) : ‘’Espace post-soviétique : quelles sont les
logiques de la politique russe ?’’, Journées d’Etudes,
in Actes du 2 octobre 2007 : ‘’Le projet de puissance de
la Russie : enjeux, réalités et implications
stratégiques’’, Fondation pour la Recherche Stratégique. [xx] ‘’Les Etats-Unis souhaitent une Russie puissante, pacifique et prospère’’, H. Clinton, 27/07/2009, www.fr.rian.ru. [xxi] Gomart T. (2006, p. 8) : ‘’Quelle influence russe dans l’espace post-soviétique ?’’, Le courrier des pays de l’Est, n° 1055, mai-juin 2006 (pp. 4-13). [xxii] Au début des années 70, l’URSS aurait atteint, voir dépasser les Etats-Unis en termes de puissance nucléaire projetable. D’où, à l’époque, la nécessité pour Washington de définir une stratégie visant à épuiser l’économie soviétique et in fine, déstabiliser son régime politique.
[xxiii] Bensimon G. (1996,
p. 259) : ‘’Essai sur l'Economie Communiste’’, éd.
L'Harmattan.
[xxv] ‘’Nucléaire : la bombe
soviétique a permis d’éviter la 3° guerre mondiale’’, A.
Brich, 29/08/2009, www.fr.rian.ru. [xxvii] Gorbatchev (1990, p. 300), op. cit. [xxviii] Romer J.P. (2007, p. 25) : ‘’Stratégie russe : ruptures et continuités’’, Journées d’Etudes, in Actes du 2 octobre 2007 : ‘’Le projet de puissance de la Russie : enjeux, réalités et implications stratégiques’’, Fondation pour la Recherche Stratégique. [xxix] Marcou L. (1997, p. 17) : ‘’Le crépuscule du communisme’’, Presses de Sciences Po. [xxx] Fassio F. (1991, p. 105) : ‘’La nature du communisme selon Alexandre Zinoviev’’, éd. Arcane-Beaunieux. [xxxi] Soulet (2000, p. 29), op. cit.
[xxxii] Lénine W.I. (1916) :
‘’L’impérialisme, stade
suprême du capitalisme’’, Moscou, éd. du Progrès.
[xxxiv] Che Guevara E.
(1965, p. 273) : ‘’Le socialisme et l’homme à Cuba’’,
tome 1. [xxxvi] De Tinguy (2007, p. 83), op. cit. [xxxvii] Selon D. Medvedev, ‘’les conditions pour le banditisme et l’extrémisme religieux ont été crées par la désintégration de l’Etat, ils plongent leurs racines dans l’organisation de notre vie, le chômage, la pauvreté (…)’’. Réf. : ‘’Les leçons de Beslan cinq ans après’’, M. Krans, 01/09/2009, www.fr.rian.ru. [xxxviii] Fedorovski V. (2007, p. 192) : ‘’De Raspoutine à Poutine – les hommes de l’ombre’’, éd. Perrin [xxxix] ‘’Russie : les revenus de la population en chute libre’’, 31/08/2009, www.fr.rian.ru. [xl] Marcou (1997, p. 112), op. cit. [xli] Kagan (2006, p. 69), op. cit [xlii] En 1998, la croissance économique russe est encore de – 4,6 % avant d’amorcer une reprise en 1999 : + 5,4 %. Sources : GOSKOMSTAT et Banque Centrale de Russie. [xliii] De Tinguy (2007, p. 89), op. cit. [xliv] IDS : Initiative de défense stratégique. C’est un projet lancé le 23 mars 1983 par R. Reagan et destiné à créer un bouclier spatial anti-missiles, protégeant l’Amérique de la menace nucléaire soviétique. Ce programme a préfiguré l’actuel projet anti-missiles ABM, étendu à l’est-européen. [xlv] Zinoviev en a la preuve et affirme : ‘’J’ai lu des documents, participé à des études qui, sous prétexte de combattre une idéologie, préparaient la mort de la Russie’’. Réf. : Zinoviev (1999, pp. 89-90), op. cit. [xlvi] Les dernières manœuvres provocantes de l’Otan, dans le cadre de ce partenariat - et avec la participation d’anciens Etats soviétiques - ont eu lieu en mai 2009 en Géorgie ( !), ex-république stratégique de l’URSS… A. Tsyganok, directeur du Centre de prévisions de l’Institut d’analyse politique et miliaire, a affirmé que ces manœuvres de l’Otan avaient ‘’un caractère nettement anti-russe dans le contexte du conflit d’août dernier dans le Caucase du sud’’. Réf. : ‘’Russie-Otan : l’Alliance devrait annuler ses exercices en Géorgie’’, A. Tsyganok, 13/04/2009, www.fr.rian.ru. [xlvii] ‘’Moscou opposée à l’élargissement artificiel de l’Otan’’, S. Lavrov, 26/03/2009, www.fr.rian.ru.
[xlviii] ‘’Otan : les
Etats-Unis appuient le désir de l’Ukraine d’intégrer
l’Alliance’’, J. Biden, 21/07/2009,
www.fr.rian.ru. [l] ‘’Les Etats-Unis prêts à réarmer la Géorgie’’, 24/07/2009, www.fr.rian.ru. [li] ‘’Caucase : la Russie ne tolèrera aucune ‘aventure militaire’ ‘’, V. Poutine, 26/08/2009, www.fr.rian.ru. [lii] ‘’En réalité, ‘l’action préventive’, c’est ce que l’administration Bush a fait en Irak, intervenir avant même que la décision de frapper ait été prise par une puissance potentiellement hostile, et peut être avant.’’ Réf. : Kagan (2006, p. 217), op. cit. [liii] Cité par Kagan (2006, p. 239), op. cit. [liv] Marcou (1997, p. 96), op. cit. [lv] Mazet M. (2007, p. 153) : ‘’La Russie et ses marges : nouvel empire ?’’, éd. Ellipses. [lvi] La chute du rouble et le krach financier - associés à la soumission politique de B. Eltsine à la volonté américaine de ‘’démilitariser’’ la Russie - expliquent la réduction drastique du budget militaire : en 1999, il était de 20 fois inférieur (en dollars) à celui des Etats-Unis. Réf. : Loupan V. (2000, p. 166) : ‘’Le Défi russe’’, éd. des Syrtes. Pour mémoire, rappelons que sous le régime soviétique, les dépenses d’armement étaient estimées entre 15 % (CIA américaine) et 25 % du PIB (E. Chevarnadzé, ancien ministre des affaires étrangères), soit entre trois et cinq fois le taux américain (5 % du PIB). Réf. : Soulet (2000, p. 162), op. cit.
[lvii]
Fedorovski (2007,
p. 173), op. cit. [lviii] Concept de sécurité nationale de la fédération de Russie (2000), op. cit. [lix] ‘’Armée russe : Medvedev fixe les priorités’’, Rossiiskaïa gazeta, 21/07/2009, www.fr.rian.ru. [lx] ‘’La Russie modernisera son arsenal nucléaire’’, V. Verkhovtsev, 04/09/2009, www.fr.rian.ru.
[lxi] ‘’Charges nucléaires :
le décalage de la Russie doit demeurer important’’, S.
Karaganov, 1/07/2009, wwww.fr.rian.ru. [lxiii] Gareev M. (2007, p. 6) : ‘’La Russie sera l’arbitre géopolitique des conflits à venir’’, 26/01/2007, http://www.voltairenet.org/article144842.html. [lxiv] ‘’ABM : le renoncement des Etats-Unis serait un ‘grand pas en avant’ ’’, V. Poutine, 03/07/2009, www.fr.rian.ru. [lxv] Gareev (2007, p. 3), op. cit. [lxvi] ‘’Quel nouveau concept stratégique pour l’Otan ?’’, F. Loukianov, 04/09/2009, www.fr.rian.ru. [lxvii] Kagan (2006, p. 138), op. cit. [lxviii] ‘’La gouvernance unipolaire est illégitime et immorale’’, discours de V. Poutine à la conférence de Munich, 13/02/2007, www.voltairenet.org.
[lxix] Kagan (2006, p. 46)
op. cit. [lxxi] ‘’Russie-Otan : Moscou dénonce les velléités expansionnistes de l’Alliance’’, S. Riabkov, 20/03/2009, www.fr.rian.ru. [lxxii] Facon (2007, p. 10), op. cit. [lxxiii] ‘’Zapad : 19 ans de manœuvres de grande envergure aux portes de l’Occident’’, I. Kramnik, 09/09/2009, www.fr.rian.ru. [lxxiv] ‘’Otan-Russie : la reprise de la coopération ne profite qu’à l’Alliance’’, L. Ivachov, 29/06/2009, www.fr.rian.ru.
[lxxv] ‘’La gouvernance
unipolaire est illégitime et immorale’’, V. Poutine,
13/02/2007, op. cit. [lxxviii] GUAM (Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan, Moldavie) : alliance politique, économique et stratégique destinée à renforcer, hors de la tutelle russe, l’indépendance et la souveraineté de ses pays membres. En fait, cette alliance est une instrumentalisation américaine orientée contre la Russie [lxxix] ‘’Washington promouvra l'indépendance de l'Asie centrale’’, W. Burns, 24/07/2009, www.fr.rian.ru.
[lxxx]
Brzezinski (2008, p. 199), op. cit.
[lxxxi]
Brzezinski (2004, p. 98), op. cit.
[lxxxii]
Zinoviev (1999, p. 103), op. cit.
[lxxxiii]
Gareev (2007, p. 5), op. cit. [lxxxiv] ‘’Caucase du Nord : intensifier la lutte contre le terrorisme’’, D. Medvedev, 19/08/2009, www.fr.rian.ru. [lxxxv] ‘’Caucase du Nord : les terroristes manipulés depuis l’étranger’’, V. Vassiliev, 17/07/2009, www.fr.rian.ru. [lxxxvi] Fontanel J. (1998, p. 6) : ‘’L'économie russe, ou la transition douloureuse’’ in ‘’L'avenir de l'économie russe en question’’, PUG (sous la direction de). [lxxxvii] Cité par Loupan (2000, p. 215), op. cit. [lxxxviii] Cité par Loupan (2000, p. 214), op. cit. [lxxxix] ‘’Les Etats-Unis souhaitent une Russie puissante, pacifique et prospère’’, 27/07/2009, www.fr.rian.ru. [xc] Brzezinski (2008, p. 208), op. cit.
[xci]
Gareev (2007, p. 4), op. cit.
[xcii]
Gomart (2006, p. 11), op. cit. [xciii] Les Etats (principalement) concernés sont: l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie, l’Ukraine, le Kirghizstan et, depuis peu, la Biélorussie qui s’est éloignée de Moscou.
[xciv]
Brzezinski (2004, p. 296), op. cit.
[xcv]
Kissinger (2004, p. 13), op. cit. [xcvi] Cité par Loupan (2000, p. 212), op. cit. [xcvii] Gorbatchev (1990, p. 33), op. cit. [xcviii] ‘’El Che en la revolucion cubana’’, La Habana, ediciones del Minaz, t. 6, p. 562.
Jean
Geronimo
http://www.palestine-solidarite.org/analyses.Jean_Geronimo.170909.htm |
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