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Les enfants du paradis

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Aider nos enfants à grandir
24-04-2009

Comment faire de nos enfants des individus autonomes et épanouis ? En devenant nous-mêmes plus indépendants vis-à-vis de notre passé et de nos parents, conseille Nicole Prieur*, psychothérapeute d’enfants et d’adolescents. 
Voici quelques étapes de ce cheminement.

Tenir compte des signaux adressés par nos enfants
“ Beaucoup de parents qui amènent un enfant en consultation pour un problème de bégaiement, de difficultés à l’école, d’agressivité…, admettent qu’ils ont eux-mêmes souffert de ce symptôme autrefois et qu’ils n’ont pas vraiment réglé le conflit qui l’avait engendré, constate Nicole Prieur. Ainsi découvre-t-on qu’un compte non expurgé peut être réactivé par les enfants. ” Mystère de la transmission. Par le biais des émotions, circule parfois un héritage dont nous nous passerions bien. Mais, à nous d’entendre ce qu’une souffrance d’enfant exprime et les interrogations qu’elle nous renvoie. Assumer nos culpabilités, c’est accepter ce qui fait partie de nous. C’est donner leur place aux douloureux épisodes anciens, même s’ils ne sont pas gratifiants. Sinon, le perpétuel combat contre nous-mêmes nous fragilise et fragilise nos enfants.

Prendre de la distance avec le passé
Paradoxe : il faut regarder en face ce qui nous a blessé bien des années auparavant, et pourtant ne pas en rester esclave. “ Eduquer nos enfants est un rendez-vous avec notre propre enfance, donc avec nous-mêmes ”, assure Nicole Prieur. Nous souvenir de nos réactions, de nos sentiments, permet de mieux comprendre nos enfants et de ne pas exiger d’eux… la perfection ! Pourtant, un passé qui colle trop à la peau peut être sclérosant. Il est possible de le revisiter en lui donnant une connotation émotionnelle et affective différente à chaque fois. Ces images sont malléables. Elles doivent être des repères, un tremplin. Pas un frein qui peut nous conduire à enfermer nos enfants dans des demandes paralysantes.

Poser des limites avec les grands-parents
Ils ont les meilleures intentions du monde quand ils vous conseillent : “ Tu devrais inscrire Nathalie à des cours de musique. Tu es trop laxiste avec Fabien…” D’autant que parfois, ce sont eux qui gardent les petits pendant que vous travaillez. Mais ne les laissez pas déborder de leur rôle. Affirmez : “ C’est moi qui décide ”. Sans rejeter toutes leurs propositions, faites la part de votre désir et du leur en matière d’éducation. Avec diplomatie et fermeté, faites valoir vos propres valeurs. “ C’est important aux yeux des enfants, justifie Nicole Prieur. Sinon, ils percevront leurs parents comme d’éternels enfants soumis à ces figures tutélaires que sont les grands-parents. Comment pourraient-ils reconnaître votre autorité et vous repérer comme capable de transmettre si vous êtes figés dans un statut infantile ? ”

Oublier le besoin de reconnaissance
Les adultes attendent encore souvent de leurs parents des encouragements, une approbation. Si ces marques de reconnaissance ne s’expriment pas, ils en sont blessés. “ Ils ont beau avoir réussi leur vie, s’ils n’ont pas répondu au modèle attendu par leurs parents, ils restent empoisonnés par ce mètre étalon, remarque Nicole Prieur. On exercera une pression moins forte sur notre progéniture, en acceptant de ne pas être l’enfant idéal de nos parents, en cessant de s’évaluer sous leur regard. ” C’est à nous de nous préserver, de nous raisonner. L’harmonie est au rendez-vous si l’on y parvient.

Abandonner les regrets
Encore un renoncement douloureux mais, in fine, bénéfique. Nos souffrances s’enracinent souvent dans le sentiment que l’on n’a pas obtenu ce que l’on attendait. D’insatisfactions en espoirs déçus, nous ne sommes plus disponibles à la vie, à la construction, au bonheur. “ Se faire violence pour dépasser ce sentiment est nécessaire, recommande Nicole Prieur. Nous avons forcément beaucoup reçu, sauf contexte de maltraitance ou de malveillance parentale. Nos parents ont certainement fait ce qu’ils ont pu pour cela. Il faut leur pardonner. Accepter leurs incompétences nous aidera à mieux accepter les nôtres et évitera que nos enfants se sentent chargés de réparer nos frustrations. Nous leur donnerons plus, si nous avons conscience d’avoir eu notre comptant et si nous le cultivons. ” Rude tâche. Là, comme pour les autres étapes, l’aide d’un psychothérapeute peut être utile.

Rompre avec la dette
Sans la nier, bien sûr. Nous devons tellement à nos parents et aux générations passées que nos comptes sont définitivement insolvables. Inutile de chercher à rendre ce qu’on nous a donné. C’est incommensurable, s’y attaquer serait dérisoire. Sachons reconnaître ce que les générations précédentes nous ont légué pour mieux nous en libérer. Nos parents ont fait des sacrifices pour nous ? Sans doute ne pouvaient-ils se comporter autrement. Ou bien y ont-ils trouvé des satisfactions. Ne restons pas prisonniers de leurs attentes. Ne prenons pas le risque de transmettre un devoir de loyauté qui enferme. Sachons “ désobéir ”, être nous-mêmes. “ Ce que nous devons à nos parents, doit s’estomper au profit de ce que nous devons à nos enfants ”, estime la psychothérapeute.

Faire preuve de patience
Ces transformations intérieures demandent du temps, de la souplesse, de la volonté. Avoir conscience qu’elles sont nécessaires est un premier pas. Ensuite, par tâtonnements progressifs, nous évoluerons et c’est ce qui compte aux yeux de nos enfants : s’ils sentent que ce travail est en marche, ils oublieront nos erreurs passées et à venir. Car il faut aussi accepter de ne pas pouvoir tout leur apporter. Dans l’espace laissé libre entre leurs besoins et nos réponses, ils mobiliseront leurs propres ressources

* Nicole Prieur est l’auteur de Grandir avec ses enfants, Editions Syros.
 

FAUT-IL TOUT DIRE ?
Le présent
Mésentente entre les parents, maladies, problèmes professionnels, les enfants peuvent faire face à tout cela. “ Ils sont capables de supporter des situations douloureuses à partir du moment où elles sont claires, explique Nicole Prieur. Ce qui ajoute de l’angoisse à l’angoisse, c’est ce qu’ils ressentent de manière confuse, sans que les mots soient dits. Sans s’étaler sur ses propres affects, mais aussi sans croire qu’on peut les cacher, il importe de signifier à l’enfant qu’on a entendu sa détresse, et de l’aider à mettre des mots sur ce qui le touche et sur la situation qui se trame. ”

 Le passé
Il en est de même pour des événements anciens, plus ou moins avouables : filiation cachée, actes délictueux d’un membre de la famille, mort violente… L’enfant a des antennes ; il pressent des informations floues. Le laisser dans le brouillard est la pire des attitudes. Toutefois avant de livrer la vérité, il faut être au clair avec ses propres interrogations, sa propre acceptation de ce qui fait, ou a fait problème. Reconnaissons-nous et supportons-nous les blessures que ce secret recèle ? Tant que demeure en nous, des rancœurs, des combats, il vaut mieux les expurger avant de parler.

Les personnages dans l’ombre
“ Les parents ont tendance à croire qu’ils sont les seuls repères importants pour leurs enfants ”, note Nicole Prieur. Aussi leurs cachent-ils parfois l’existence de personnages dont l’histoire ne les satisfait pas et dont ils craignent qu’elle ait une influence néfaste. Erreur. L’enfant n’a pas besoin des seules références héroïques. Il appartient à un groupe qui a préexisté et qui lui survivra. Le processus d’identification est complexe et va chercher ses racines un peu partout. Dommage de le contrarier ou de le restreindre. En plus, les enfants adorent les histoires de vilains petits canards.

 

EXERCICES PRATIQUES
Dans Grandir avec ses enfants, Nicole Prieur propose des exercices pratiques pour amorcer la réflexion, provoquer les échanges ou dédramatiser une situation. A faire seul, en couple ou avec les enfants…

– Citez cinq caractéristiques de votre mère et cinq de votre père. Notez-les. Précisez ce que vous admirez le plus et ce que vous détestez, chez l’un et chez l’autre.

– A présent, notez cinq caractéristiques de vous en tant que mère ou père. Comparez avec les listes concernant vos parents. Ressemblances ? Coïncidences ?

– Définissez ce qui vous gêne le plus dans ces caractéristiques. Lesquelles sont gênantes pour vos enfants ? Qu’aimeriez-vous changer ? Que souhaitez-vous conserver ?

 

A LIRE
Il n’est jamais trop tard pour pardonner à ses parents, de Maryse Vaillant, psychanalyste.
Editions de La Martinière.

Anne Bonnefond

http://www.apel.asso.fr/

 
 
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