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Les enfants du paradis

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Loin des yeux, loin des aides
26-05-2008

Reportage sur un orphelinat pour enfants handicapés
Le temps semble être figé à Iélatma. Peu d’animation dans les rues de cette ville rurale isolée de 5000 habitants située dans la région de Riazan, à plus de 300 km de Moscou. Sa particularité : trois orphelinats dont deux pour enfants dit « déficients » y sont installés. Aujourd’hui, la direction de l’orphelinat pour handicapés moteurs et physiques s’est mobilisée pour recevoir une organisation caritative étrangère. Les responsables de l’association Sirot viennent constater les conditions de vie des jeunes pensionnaires et évaluer les besoins de l’établissement. Le directeur de l’orphelinat, Sergueï Yudin, leur décrit la situation : « nous avons ici 129 enfants de 7 à 18 ans, atteints de pathologies nécessitant un suivi médical mais certains sont plus handicapés que d’autres. Ils sont répartis sur quatre sites : les deux premiers accueillent les enfants les plus autonomes, et les deux autres, ceux qui sont plus gravement malades. Mais un bâtiment plus grand doit être construit au cours du second semestre 2008, qui nous permettra de regrouper les enfants en un seul lieu et d’améliorer notre fonctionnement. »

La visite commence par les avancées concrètes obtenues grâce aux subventions fédérales. Un tableau presque idyllique, tacheté pourtant d’incohérences. Des locaux de « quarantaine » joliment rénovés (ndlr : lieu où les enfants sont isolés temporairement lorsqu’ils arrivent d’autres institutions ou sont atteints de maladies contagieuses), un bania flambant neuf équipé de seulement trois douches où une toilette complète hebdomadaire est assurée, des machines de cardio-training immaculées ou encore un mini van… sans ceintures de sécurité. La rencontre avec les enfants est progressive, et l’on nous présente d’abord les handicapés légers. Une vingtaine d’entre eux a concocté un spectacle attendrissant et joyeux. Autre surprise, certains de ces enfants ne semblent absolument pas malades. L’infirmière en chef, Maria Alemaounova, explique que la plupart souffrent de troubles nerveux, psychomoteurs, de trisomie, d’autisme et d’épilepsie. Des pathologies fort différentes.

Tous échouent à Iélatma pour bénéficier d’un suivi médical plus important, option que n’offre pas un orphelinat classique. Mais, faute de moyens, l’équipe pédagogique ne peut pas leur porter l’attention personnalisée qui permettrait de développer pleinement leur potentiel. Elle encourage néanmoins la solidarité entre les enfants. Les plus âgés jouent avec leurs cadets ou des compagnons moins valides.

Puis la visite se poursuit, chez les handicapés lourds. Choc visuel. Environ 60 enfants - atteints notamment de retards psychomoteurs sérieux, paralysie cérébrale, microcéphalie, hydrocéphalie - sont répartis entre deux autres bâtiments relativement délabrés. Dans l’un, 40 orphelins bénéficient depuis six mois du programme Portage. Cette méthode de développement et d’apprentissage pour handicapés psychomoteurs est arrivée à Yelatma via une ONG anglaise, The Promise. Appliquée avec succès à l’orphelinat de Riazan pour enfants en bas âge, elle s’est étendue ici pour que les petits transférés à Iélatma n’en perdent pas les bénéfices. Pour Olga Miroshkina, coordinatrice du programme entre les deux institutions, « le changement est visible, les enfants ont beaucoup progressé et, désormais, on peut lire de la joie sur leurs visages ». Bien que dix éducateurs Portage aient été formés depuis, le manque général de personnel est criant. Pour les vingt autres enfants gravement malades, déclarés inaptes à suivre le programme Portage par les médecins, seulement trois surveillantes et une infirmière qui se partagent entre deux autres sites. Dix par chambre, les enfants passent leurs journées allongés sur leurs lits, les yeux hagards. Il suffit alors de paroles douces, de sourires ou de caresses pour que les visages s’illuminent.

La présidente de Sirot, Cristina Nicolas Millan, pense déjà aux multiples projets à développer, encouragée par « la visible attention et préoccupation dont font preuve le personnel et la direction pour les enfants. » Justement, le directeur souhaitait garder à Iélatma certains jeunes de plus de 18 ans, pour leur éviter un transfert en « instituts psycho neurologiques », déracinement souvent inutile et voie de garage pour des jeunes aux pathologies plus légères. Les autorités l’ont rappelé à l’ordre. Aujourd’hui vingt d’entre eux sont partis. Vous avez dit déterminisme ?
 

Le Courrier de Russie |6 Mai 2008 | Edition 123 | Société | Carole Guirado-Cailleau |

http://www.lecourrierderussie.ru/fr/magazine/?artId=3320
 
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