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Les enfants du paradis

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Les enfants des rues de Saint-Pétersbourg parlent
18-01-2009

« Pourquoi les journaux européens s’intéressent-ils tant à nous ? »

Avec sa coupe à la garçonne et ses habits larges, on se demande, au premier abord, si Katia est une fille ou un garçon. Elle a 21 ans, mais en paraît dix de plus. Son visage est marqué par « une vie qui ne [lui] a pas fait de cadeau ». Elle s’est retrouvée à la rue à 17 ans quand elle est devenue orpheline. « A la mort de mes parents, j’ai refusé d’aller chez ma grand-mère avec qui je ne m’entendais pas, je voulais louer une chambre, mais je me suis fait escroquer par les propriétaires. C’est comme ça que je me suis retrouvée là. » Elle soupire, comme pour montrer qu’elle a raconté son histoire des centaines de fois et qu’elle en a assez de toujours devoir se justifier d’être tombée dans la misère. Et d’ajouter : « Pourquoi les journaux européens s’intéressent-ils tant à nous ? On n’est rien… De toute façon, les gens n’aiment pas voir la misère. » Elle a touché à tout ce que l’on peut se procurer dans la rue : l’alcool, la colle et l’héroïne. Comme environ 38% des « enfants » de la rue, elle est séropositive. Mais, contrairement à certains de ses amis qui en tirent une grande fierté, elle en parle avec discrétion comme d’ « une grosse ma-ladie qui fait prendre beaucoup de médicaments ». A la question « est-ce que tu as des rêves, des projets ? » elle répond : « Qui sait... je peux passer sous une voiture demain. Alors, des rêves... à quoi bon ? Ca fait longtemps que j’ai arrêté de rêver ». Après réflexion, elle reprend, en plaisantant : « Ah si, j’aimerais bien me faire refaire les dents » en faisant un grand sourire édenté.

« C’est pas une vie, c’est juste une escalade d’échecs »

Extérieurement, Anton est un garçon sociable, curieux. Mais derrière son sourire et ses yeux pétillants se cache une profonde tristesse. Pour lui, son histoire, « c’est pas une vie, c’est une escalade d’échecs ». Il a 23 ans et déjà trois séjours en prison à son actif. La première fois, pour une bagarre, la seconde, pour détention de stupéfiants et la troisième pour vol. Comme beaucoup de ses compagnons d’infortune, il vient d’ailleurs. Il est arrivé de Vorkouta pour retrouver sa soeur, mais a appris sur place qu’elle était partie avec son mari dans une autre ville. « Quand j’ai voulu ren-trer, je n’avais pas assez d’argent pour le train, alors je suis resté le temps d’en trouver. Ca fait deux ans ». Il aimerait rentrer chez lui, retrouver son appartement et du travail. Chaque soir, il erre dans les rues à la recherche d’ « un coin chaud pour pas crever de froid ». Il fait la manche et trouve « des petits boulots par-ci par-là ». Mais ça ne suffit pas. « Sans la soupe populaire de Notchlejka (association qui aide les sans-abris de Saint-Pétersbourg, ndlr) et les soins de Médecins du monde, je serais mort depuis longtemps. » Quand on lui demande s’il a envie de s’en sortir, il répond : « Il n’y a pas longtemps, on a vu un type mourir sous nos yeux à la gare de Moscou. Tu sais ce qu’on a ressenti ? On l’enviait ! Il avait fini de souffrir. »

  A Saint-Pétersbourg, on rencontre des « enfants des rues » depuis le début des années 1990. Les mineurs avaient en moyenne entre 8 et 14 ans. Aujourd’hui, les jeunes enfants ont quasiment disparu du pavé pétersbourgeois, la moyenne d’âge s’étalant, selon les chiffres de Médecins du monde entre 14 et 19 ans. En 1998, on comptait environ 16000 petits clochards à Saint-Pétersbourg. Aujourd’hui, les données officielles sont plus approximatives : entre 3000 et 10000, selon que l’on ne compte que les moins de 18 ans ou que l’on ajoute ceux qui sont devenus adultes en restant sur le trottoir. Aujourd’hui, les « enfants des rues » ont souvent un foyer. 90% d’entre eux sont considérés comme des « orphelins sociaux », c’est-à-dire que leurs parents sont en vie, mais qu’ils échappent totalement à leur autorité et à leur vigilance.
 
http://www.lecourrierderussie.ru/fr/magazine/?artId=3987
 
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