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Les enfants du paradis

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Principes de vie
26-09-2008

http://danielleconger.organiclearning.org/rulesvsprinciples.html

Traduit par Sylvie Martin-Rodriguez

 

   

 

"Récemment, au cours de la 3ème conférence annuelle « Vivre et apprendre », j’ai eu la chance d’assister à un séminaire en cours organisé par Ben Lovejoy sur les règles opposées aux principes. Une année plus auparavant, j’avais suivi une présentation de ce sujet par Ben et Sandra Dodd, qui m’avait fait réfléchir à ces différences. Sur une liste de discussion, le débat sur les règles et principes était une décevante argumentation sémantique, mais il s’était profondément ancré dans mon esprit et me tracassait.
Avant cette première discussion, je n’avais pas tellement songé à la différence entre les règles et les principes, ni envisagé que cette distinction puisse avoir une réelle importance. Jusqu’à ce que je commence à examiner ce sujet plus profondément, à le retourner dans tous les sens dans mon esprit et que je me rende compte que c’était fondamental pour l’apprentissage autonome.

Si l’apprentissage naturel signifie croire dans les possibilités innées d’un enfant et en sa motivation à apprendre, si cela signifie lui offrir la liberté d’apprendre et respecter cet apprentissage quelles que soient les circonstances, alors l’apprentissage naturel lui-même est dépendant d’une liberté qui doit s’étendre bien au-delà du simple modèle éducatif scolaire. La liberté ne peut pas être compartimentée -autorisée ici, refusée là- pour s’épanouir. Au contraire, elle doit être nourrie, alimentée, encouragée et autorisée à s’accroître, pour qu’elle puisse former pleinement les individus que sont, et que veulent devenir nos enfants.

Cependant, la liberté ne veut pas dire libre de tout faire. Cela ne signifie pas la liberté de détruire, de blesser, d’abuser, de manipuler ou de contraindre les autres. C’est une idée reçue assez courante quand on rencontre pour la première fois les idées de l’apprentissage autonome ou du parentage non coercitif. La liberté a des limites naturelles et éthiques. La clé, c’est de découvrir ces limites au lieu d’en imposer d’arbitraires ou de coercitives. Mais comment trouver ces limites naturelles et éthiques ? C’est ici qu’une exploration des règles opposées aux principes devient particulièrement utile.

Les règles se définissent par l’autorité, la hiérarchie, la rigidité et l’inflexibilité. Elles tendent à renforcer une puissante structure qui découle d’une mentalité « peut mieux faire »… « parce que je le dis »… « Je suis le parent, voilà pourquoi »… « C’est comme ça, un point c’est tout »… Les règles existent en dehors de la personne à qui elles sont adressées. Elles sont extérieures et elles interdisent la possibilité de la remise en question, de l’adaptation ou de l’exception.
Les règles, les lois, les règlements, les ordres, impliquent, en soi, la punition en cas de transgression et le silence en cas de doute. Enfreindre les règles, être privé de sortie ou aller en prison, et ainsi de suite. Plus important encore, les règles sont fondamentalement paradoxales parce qu’elles sont simultanément absolues et arbitraires.

Un parent décide à la fois des règles, de qui doit les suivre et quand. Un dictateur décide des règles qui lui-même ne respecte pas. Même en démocratie, les règles requièrent une interprétation, incluant des échappatoires et restent contradictoires et opportunément obligatoires. Par exemple, les prisons américaines sont pleines d’inconsistances raciales dans l’application de la loi américaine. Les règles et les lois fonctionnent sur le mythe de l’universalité alors que la réalité révèle constamment la nature arbitraire de leur application.

Pensez à une règle domestique comme : « on ne mange pas dans la chambre » par exemple. Un décret tel que celui-ci est prononcé comme une évidence alors que cela ressemble bien plus à une restriction arbitraire qui sera balayée lorsque le parent voudra manger une glace devant « Urgences » ou lorsque toute la famille voudra partager un bol de pop-corn, blottie dans le lit en regardant un film.
En tant que règle, « ne pas manger dans la chambre » tombe comme une intransigeance arbitraire – un paradoxe !

Les enfants sentent cette contradiction interne, et résistent à cette injustice inhérente. Bien sûr, d’innombrables livres de parentage acclament la cohérence comme étant la clé pour faire respecter les règles avec succès. D’ailleurs, dans cet exemple, un parent pourrait perdre les plaisirs familiaux comme le pop-corn et un film, le plaisir en solitaire d’une glace dans son lit, pour la cohérence, pour donner l’exemple. Ou pire, il pourrait devenir hypocrite, comme beaucoup de parents, profiter de la douceur convoitée seulement après le coucher des enfants, et ne serait pas plus avancé. De toutes façons, quelque chose est sacrifié : la joie du lien familial ou l’estime de soi du parent.

D’un autre côté, les principes se définissent par l’autonomie, la vie consciente, la liberté et la flexibilité. Les principes, au lieu d’être absolus et automatiques, demandent à la fois une réflexion consciencieuse et un questionnement. Ils représentent un consensus basé sur la justesse, la justice, l’équité et, une fois acceptés, les principes donnent une règle de conduite intérieure.

Si, après mûre réflexion, nous adoptons un principe, nous l’intériorisons et l’appliquons avec attention dans d’innombrables situations de notre vie. Il n’y a pas de menace extérieure exigeant notre adhésion. Seulement notre sens interne de ce qui est juste et de ce qui ne l’est pas. Vivre selon des principes, c’est offrir à nos enfants à la fois le modèle d’une vie éthique et l’opportunité de grandir comme des êtres éthiques et conscients de leur individualité.

Les principes peuvent aussi aider à simplifier nos vies. Un simple principe, sain, exploré pleinement et sincèrement adopté apaise le besoin d’une multitude de règles. Les règles prolifèrent parce qu’elles sont isolées et spécifiques alors que les principes sont plus nombreux, simples et fondamentaux, et vont directement à l’origine éthique ou à la base de la vie dans notre monde.

Par exemple, si nous vivons selon le simple principe « Ne pas nuire », nous éliminons le besoin d’avoir d’innombrables règles domestiques, rigides, et à la place, nous sommes invités à penser de manière créative et à rechercher des solutions. Supposons qu’un enfant veuille dessiner sur les murs. Si la règle est : « on ne dessine pas sur les murs », les choix de l’enfant sont sévèrement limités :
- dessiner sur les murs et s’attirer des ennuis, ou
- sacrifier son impulsion créatrice.
Eventuellement, un enfant créatif décidera rapidement que, bien que les murs soient interdits, les meubles, l’ordinateur, les appareils ménagers pourraient ne pas l’être. Une seule règle peut rapidement nécessiter de nombreuses autres règles pour couvrir toutes les possibilités qu’un enfant intelligent peut imaginer.

Toutefois, si le principe est : « ne pas nuire », ce même enfant créatif a plusieurs choix différents, guidé par un seul principe et seulement limité par sa propre recherche de solution. En ayant fait le choix de vivre avec des principes, la famille entière est capable de trouver des idées géniales pour découvrir des solutions créatives afin de répondre à son besoin de dessiner sur une grande surface.

Les parents vivant selon des principes peuvent expliquer qu’ils ne veulent pas que la peinture soit abîmée, qu’ils ne veulent pas non plus des dépenses associées, et avoir à repeindre les murs. Ils peuvent proposer de poser un tableau, un poster, ou du papier craft, essayer, et trouver des crayons vraiment lavables, faire don d’un espace sur un mur moins voyant pour l’expression créatrice comme une chambre, un placard ou le mur du sous-sol. A travers ce processus de résolution d’un problème, les parents agissent comme partenaires de leurs enfants plutôt que comme ceux qui punissent, entretenant la paix et la confiance dans cette relation et laissant intacts la créativité et les rêves des enfants.

Les principes s’appliquent à tous, pas seulement à quelques-uns et pas seulement à ceux qui sont au bas de l’échelle hiérarchique parce qu’ils sont basés sur une pensée consciencieuse et un accord mutuel. Comme Ben Lovejoy l’a montré dans son séminaire, nous devons venir à bout des règles grâce à une pensée intelligente alors que les principes sont des lignes directrices pour la vie. Un principe sain, contrairement aux règles, s’applique à tout le monde, sans tenir compte de l’âge ou de la position parce qu’il représente la base de ce qui est bon et juste pour tout le monde. Les principes appellent à la réflexion, ils permettent la flexibilité nécessaire pour assurer la liberté à tous les membres de la famille, pas seulement à ceux qui sont « responsables ».

Appliquer des principes à la place des règles donne aux parents l’opportunité d’inventer une vie attentionnée, respectueuse de chacun et de résoudre les problèmes. Les principes nous permettent de forger des connexions fortes et prévenantes avec nos enfants, en tant que partenaires et non comme adversaires, et ils nous offrent l’opportunité de poser ensemble les fondements éthiques pour vivre consciemment dans le monde au lieu de vivre dans l’isolement, la coercition ou la conformité."

 

 
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